Cher Monsieur le Président de la République,
La France que nous méritons ne se fera pas sans les territoires. Il nous faudra écouter, comprendre, questionner, imaginer, inventer un nouvel art de vivre et de travailler, un nouvel art d'être heureux ensemble, une autre façon de mettre de la vie dans nos vies pour refaire Nation ensemble.
La crise des Gilets Jaunes est une crise qui signe la naissance d'une fraction de la société contre une autre, mais aussi et surtout contre les politiques et les corps intermédiaires. Vous l'avez théorisé pendant les présidentielles, la confiance est à reconstruire, car le peuple est épuisé des mensonges de la petite politique. La Nation est épuisée que le respect de la parole donnée ne soit pas un engagement qui oblige la parole publique.
Alors, le dégagisme est le symptôme de la déception. Mais pire encore, le crédit de patience est épuisé. Les gens veulent que ça change, et tout de suite. Il faut que tout change, peut-on entendre. Ils rêvent d'un grand soir démocratique aux airs de révolution pour se sentir reprendre les rênes de leur destin.
Révolution est le titre de votre livre. C'est un conte politique qui parle de réinventer la politique avec de nouvelles règles, et précisément celle de ne plus mentir. Vous semblez de bonne foi et donc, pourquoi ne pas vous croire ?
Seulement, le temps est manquant. Vous n'aurez pas le luxe de vos prédécesseurs pour faire du test & learn et arbitrer à la lumière des résultats. Non, la crise de confiance de l'opinion est l'expression de la synthèse des peurs, qui vous impose une action immédiate et efficace en un instant. Le pays a besoin d'une transformation profonde, mais vous aurez à peine le luxe de la réflexion.
Les médias questionnent les vents contraires pour interroger l'impact de votre politique au quotidien et nourrir ce débat qui promet de dégénérer de manière exponentielle si rien ne change dans l'urgence. Vous promettez un débat populaire sur la transition écologique, l'idée étant de ne laisser personne ou le moins de monde possible au bord de la route.
Mais le problème est plus global. Nous vivons une rupture quasi quantique. Tout change en même temps : la question du climat n'est plus une option humaniste, mais un sujet grave ; la question des territoires est désormais une urgence absolue : comment vivre en France aujourd'hui et demain, en dehors des villes ? Comment se déplacer, se nourrir, se soigner, s'éduquer, vivre et faire vivre les solidarités ? Comment tisser un lien dans les territoires ? Comment remettre de la vie dans nos vies, dans les villes et en dehors des villes ?
Puis, vient la question du choc technologique qui promet de laisser de manière certaine une frange importante de la population au bord du chemin. Comment redonner des perspectives à des bastions d'individus dont certains sont frappés d'illectronisme ? Comment organiser le pays en assumant que certains territoires vont rester à côté de l'ouragan technologique ?
La formation sera un levier, mais il sera insuffisant. Donc, réfléchir à une nouvelle organisation du pays avec des zones qui investissent d'autres de nos atouts tandis que d'autres se consacrent à la guerre digitale est un impératif. Vous parliez de différenciation territoriale ? C'est le moment de montrer tout votre talent pour la disruption, car l'heure est grave. Repenser la vie dans nos vies pour que le pays s'apaise et apprenne à se refaire confiance.
Pour réussir, vous devez parler et écouter tout le monde. Les gilets jaunes, mais aussi ceux qui ne sont pas dans la rue, et ils sont majoritaires. Vous devez écouter ceux qui se battent au quotidien pour créer une nouvelle donne individuelle et collective, car conscients du péril qui nous guette.
La Cabrik est prête à accompagner l’Etat à penser différent car sa mission est de participer à la construction d’un nouveau modèle de société plus responsable, le travail au centre et l’humain au cœur. Beaucoup d'entre nous sont prêts à accompagner l'État à penser différent pour participer à la construction d'un nouveau modèle de société plus responsable. Nous voulons tous la réussite de notre pays et ceux qui veulent maintenir ce qui fait Nation ont tous une envie commune : servir.
Nicole Degbo
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Article publié dans Les Echos, à lire ici.