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Médias -  Journalistes -  Journalisme - Informer - Gouvernance - Transformation - Modèle économique

Gouvernance

Rendre-compte

Édito — il y a 4 années

Informer est un privilège.

J’aurais voulu être journaliste. 

Comme des millions d’enfants, j’ai été fascinée par la puissance de ce métier. Depuis toujours, j’aime écouter, lire, croiser les informations de médias sérieux. Et, il n’y a pas de médias sérieux, sans journaliste sérieux. 

Informer est un noble métier ; j’ai toujours eu un faible pour le métier de grand reporter. 

J’aurais voulu être avocate aussi et le journalisme a quelque chose de l’avocat. Celui-ci défend l’homme derrière la cause, sans nécessairement épouser la cause de son client. Le journaliste est théoriquement au service de la vérité ; il est un détective de l’information. Il est en quête de l’histoire qui va raconter les faits au public. Le journaliste plaide la vérité du réel. Informer est un métier menacé ; aussi, il est bon de se souvenir pourquoi ce métier fait rêver des millions de gens. 

Le journaliste est un artiste : il cherche la vérité, catalyse le langage et raconte une histoire. 

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Chercheur de vérité 

Normalement, le journaliste raconte une histoire qui met en lumière des faits nouveaux et vérifiés qui disent quelque chose ; ils parlent de systèmes, évoquent des évènements, dépeignent des situations qui, de manière inévitable, nous ramènent aux hommes derrière ces histoires. Le journalisme parle des humains, de nous en fait. Il raconte comment nos actes influencent le cours de l’histoire, en bien ou en mal ; il met en lumière le progressisme ou le conservatisme de nos choix. Il témoigne de notre courage, de nos lâchetés et de nos peurs. Il souligne aussi nos générosités individuelles et collectives. Journaliste, c’est le privilège d’être au plus près de l’histoire.    

Dans la coulisse, il faut avoir du flair pour débusquer une histoire qui fait sens ; il faut poser les bonnes questions, analyser les bonnes informations, identifier les bonnes sources, croiser les témoignages, les informations et les faits pour vérifier la solidité d’un récit. 

C’est un vrai travail de rigueur, un acte de foi ; c’est une patience qui sera régulièrement mise à rude épreuve, donc le mental et l’intérêt pour le sujet d’enquête sont importants pour éviter de faire des raccourcis dommageables pour la vérité. Ainsi, poser des questions, c’est un art qui repose sur une réelle qualité d’écoute, une capacité à réaliser une analyse factuelle et non une interprétation subjective des faits. C’est également une curiosité insatiable du détail qui scelle la vérité de l’histoire. Le journaliste ne doit pas être dans l’approximation car il a un rôle d’éducation. Informer le pays, c’est l’éduquer ; informer est une responsabilité sérieuse.  

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Catalyseur du langage 

La fabrication de l’information repose aussi sur la science du langage. Elle est une alchimie verbale, non-verbale et para-verbale. La chimie de l’histoire va déterminer le souvenir qu’elle va laisser. 

L’information raconte des faits, une histoire vraie, sinon c’est un roman ou une fiction. Le journaliste doit se sentir concerné par son histoire pour être le gardien de son sérieux ; il est bon qu’il soit impliqué, mais également distancié. Il doit jauger son histoire au-delà de toute charge émotionnelle pour être à même de la critiquer, sans complaisance. Le journaliste est le premier garant de la qualité de son travail ; il a le devoir d’éviter de se laisser influencer par les multiples biais, dont celui de confirmation, qui va par nature influencer la structure et la nature de son investigation. Le journaliste doit renoncer à ses habitudes pour rester alerte, sur le qui-vive et éviter de fabriquer des contre-vérités voire des fake news. 

La déontologie du journaliste l’oblige a raconter des faits réels et vérifiés ; le journaliste ne doit pas céder à la tentation de la rapidité qui prend le risque de tordre la réalité ou de privilégier un angle qui n’offre qu’une vision parcellaire de l’histoire. Lutter contre le temps participe également du rôle d’un journaliste. Certains diront que le temps et l’économie exponentielle des moyens ne vont pas ensemble. C’est à voir, car le journal qui emploie des journalistes avec cette rigueur-là séduit un public qui confirme sa fidélité, en dépit de sa curiosité pour d’autres journaux ou vecteurs d’information. 

Informer est un cercle vertueux dont la récompense est la stabilité des lecteurs, des spectateurs ou des auditeurs. Le journaliste décrit, explique ou dresse un bilan. Il doit normalement choisir et éviter de tout faire en même temps pour avoir une information lisible, audible et claire. Rien ne l’empêche de privilégier des angles différents, mais successivement, plutôt que simultanément. 

Enfin, avant le récit, il y a le choix des mots. Le bon mot est un exercice fondamental. Il ne doit pas céder à des effets de manche. Informer n’est pas de fabriquer des punchlines pour faire un bon mot, amuser le public ou exciter les bas instincts. Informer c’est dire les faits, avec la plus grande justesse, parce que les mots ont un sens et que la fabrique de l’information repose sur les mots qui, eux-mêmes, comptent parmi les matériaux essentiels. L’articulation des mots, leur justesse et leur rythme sont des fondements clefs pour raconter l’histoire qui va tenir le public en haleine, lui donner confiance et lui donner envie de revenir apprendre autre chose. 

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Conteur d’histoire 

Fabriquer l’histoire est une grande responsabilité. Elle est même d’abord et avant tout un acte d’humilité : c’est le journaliste qui a l’ego bien rangé à sa place et l’élégance de passer derrière son histoire. Le bon journaliste ne vampirise pas son récit, il en augmente au contraire la puissance, 

Une histoire intéressante raconte un évènement, un fait nouveau et vérifié. Une bonne information est une histoire solide qui a un angle équilibré. C’est une histoire qui raconte les faits, rien que les faits, tous les faits. Le journaliste n’est pas un bateleur, sinon, il doit changer de métier. Le journaliste est un professionnel qui situe son histoire et explique d’où il la raconte en célébrant la règle des 5 W : where, when, who, what, why et how. 

Informer, c’est structurer un récit en lui donnant du sens, sans l’inventer, sans sensationnalisme, car une histoire sensationnelle n’a pas besoin d’emphase. 

Informer, c’est aussi oser être à contre-courant, c’est donner du temps aux histoires intéressantes, même quand personne n’est sur le coup, car cela ne signifie pas que ces histoires manquent intérêt. Lutter contre le conformisme médiatique a toujours été la marque des grands journalistes qui sont par nature plus curieux que les autres, plus tenaces, plus courageux, plus intrépides. Ce sont des journalistes qui n’ont jamais perdu la foi dans leur métier, ce sont des journalistes qui n’oublient jamais qu’informer, c’est rendre compte et que pour bien le faire, il faut aller sur le terrain et non écrire de sa chaise, en appelant inlassablement et toujours les mêmes sources. 

Informer est un engagement dont la qualité a un impact sur la démocratie. Informer élève les gens ou les nivèlent par le bas. Informer est une déontologie, un noble métier qui doit interroger la motivation de chaque histoire : est-ce un scoop ou du vent ?   

Les modèles économiques du journalisme doivent changer, mais l’essence même du journalisme doit être préservé car la valeur d’un grand journaliste n’a pas de prix. Par-delà les générations, il trouve son public qu’il sait accrocher grâce à la qualité de son récit. Informer, c’est du temps, car c’est bien le cheminement intellectuel, le parchemin de questions qui va lui permettre de se déployer, de s’enrichir et d’exister dans l’écrin d’une histoire qui viendra saluer l’éthique du journalisme et suscitera des vocations.

Ce sont des films comme les hommes du président, révélations, les 3 jours du condor, Véronica Guérin, l’affaire Pélican, spotlight ; ce sont ces médias qui ont su braquer les projecteurs sur Barack Obama avant sa première élection ; ce sont des journalistes passionnés qui risquent leur vie ou meurent, au nom de la vérité dans des pays où la démocratie est malade ou inexistante ; ce sont des émissions de radio qui nous éclairent en posant des questions et en tissant le fil de réponses intelligentes, sans que leur vérité ne fasse loi. Ce sont ces exemples qui honorent le métier de journaliste. 

Informer repose à l’évidence sur la gouvernance de l’information et la mise à distance des émotions.

Nicole Degbo 

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