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Contrat social - Société - Collectif - Commun - Solidarités - Existentiel

contrat social : la société #9

Re-fabrik-er le commun

Édito — il y a 5 années

Temps de lecture: 6 minutes

"Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable." Raymond Aron

Comment construire le commun quand toutes les digues morales ont sauté ? 

Les frontières sont floues, les débats sont confus, l’être et l’avoir se confondent, voire se fondent l’un dans l’autre. La société s’est découragée et un spleen la traverse de part en part, jusqu’à laisser entrevoir une plaie béante, une blessure qui ne se soigne pas, une lésion qui refuse les premiers soins. 

1

Horizon existentiel

La question des inégalités est au centre. Il y a les biens-nés et les autres ; ceux qui s’en sortent malgré tout, par le travail, la volonté, la chance aussi. Et ceux dont l’horizon existentiel est une tragédie : ce sont ceux qui porte le poids social de la naissance, ce legs qu’on ne choisit pas, qu’on aime ou qu’on aime pas. Ce sont des origines, des parents, une éducation, un état culturel, des choix moraux ou pas, une pensée morale ou pas, et enfin une épaisseur intellectuelle à géométrie variable, et parfois la spiritualité en plus. 

C’est l’histoire de vie d’individus qui se sentent vulnérables et dont la fragilité ne cesse de fracturer la société, jusqu’au délabrement de l’espoir. Les fractures sont multiples ; elles signent une errance collective. Qu’est ce qui nous lie ? Quelle histoire crée le commun ? Certains ne savent plus répondre, mais surtout, les antagonismes sociaux n’ont jamais été aussi forts. C’est une nouvelle lutte des classes, brute, vive, à vif, qui interroge le chemin étroit du déterminisme. Sommes-nous définitivement ce que nous sommes ? Quelle autonomie avons-nous vraiment dans la construction de notre histoire personnelle ? 

Malheureusement, beaucoup répondent avec un pessimisme qui affecte le climat du pays ; difficile d’ignorer la sombre vision du destin collectif qui nourrit le débat public, médiatique et politique. Les maux qui se racontent dessinent un tableau nihiliste, qu’il nous faut analyser et comprendre pour y apporter les bonnes réponses, avant de nous auto-détruire. Les récits témoignent d’un sentiment d’impuissance dont la violence conduit un nombre grandissant d’individus à s’opposer au monde qui change ; ils sentent de manière animale la violence de la société qui vient et refusent d’acter avec docilité cette perte de progrès inéluctable à laquelle il faudrait consentir, sans se poser de questions. 

Le grand bluff de ce progrès protéiforme requestionne la place de l’individu et par capillarité la place du travail qui définit au moins partiellement, la place de l’individu dans la société. C’est circulaire et implacable ; le travail ou le non-travail raconte quelque chose : une réussite, un choix, une aliénation, une souffrance, une défaite ou tout simplement rien. 

Et, l’inventivité technologique participe de ce grand questionnement quant à l’équilibre homme-machine. Quel sera la place des robots ? Quelle sera la norme du travail, du temps de travail, des modes de travail ? Que feront les remplacés, les déclassés, les inutiles comme les appellent Yuval Noah Harari ? Quel sera le taux de chômage ? Quels emplois auront disparu ? Quelles fonctions seront inventées ? Quel projet construire au milieu de toutes ces incertitudes ? Comment se projeter dans un avenir si flou ? Quels choix faire et comment juger de leur pertinence ? 

Le sens de l’effort aura-t-il une influence dans le cheminement de ces trajectoires ? Quel avenir pour demain, individuellement, collectivement ? 

Comment ne pas être saisi d’un sentiment de panique quand les leviers pour décrypter ce nouveau monde sont manquants ? Comment réinsuffler du sens dans la vie des gens ? 

2

Pédagogie du sens

Nous vivons une époque où les mots, le sens et le poids des mots sont plus que jamais utiles. 

Dire, relier, fabrik-er du sens dans une société qui se perd et se noie quotidiennement dans un flot de mots qui font un bruit assourdissant. 

D’abord, il y a trop d’informations ; elles nous envahissent de partout et inondent l’espace audio, vidéo, jusqu’aux réseaux sociaux. L’information est choisie, subie, anticipée pour nous, selon nos préférences. Il faut alors se montrer vigilant pour trier, hiérarchiser et séparer le vrai du faux, de même que l'essentiel du futile. Nous devons protéger notre espace vital informatif qui est désormais cerné de fausses ou de pauvres informations. Comment faire ? 

Sélectionner les supports, mais c’est insuffisant. Il faut questionner, développer avec rigueur la culture du doute, du débat, à l’exclusion du complotisme. Il faut interroger le sens des informations, du monde et se tenir à distance de la télé-réalisation de la société. 

Aujourd’hui, tout est commenter, juger, jusqu’à la migraine. Les rumeurs deviennent des faits, les offs deviennent des vérités. Il n’y a plus de place donnée à la réflexion. Tout le monde est expert de tout et émet un avis, jusqu’à l’absurde, jusqu’au vide et c’est cela qui est périlleux. La société glisse et le niveau de culture générale diminue dangereusement, au profit du spectacle quotidien qui se déverse sur les ondes, au prétexte de nous divertir. 

Sauf que nous valons mieux que cette médiocre société du jugement. C’est donc le moment de nous demander ce que font nos intellectuels. Qui sont d’ailleurs nos intellectuels ? De quelle manière posent-ils question à tout, pour penser le monde, plutôt que de nous assener leurs dogmes ? Comment le débat s’est-il appauvri de la sorte ? Pourquoi nos intellectuels, nos élites, ne sont pas un rempart de la pensée morale ? Comment la société s’est-elle mécaniquement détraquée, sans que nous ne nous y prenions garde ? Comment sommes-nous devenus cette société triste, malade et aigrie de cette défiance qui fabrique le ressentiment des uns contre les autres ? Comment en sommes-nous toujours là de voir des riches s’opposer aux pauvres, des salariés s’opposer aux dirigeants, les politiques s’opposer entre eux, les religions se mener bataille ou se déliter et la société se défaire, jusqu’aux familles ?   

Comment ne pas questionner l’impuissance des mots et donc de nos intellectuels à raconter le monde, les tendances, les inquiétudes, à inventer des notions pour traduire le monde qui se déploie sous nos yeux ? 

Il va nous falloir réfléchir pour réguler et réparer les troubles sociétaux qui déconstruisent la société et au-delà la démocratie, jusqu’à en percuter le consentement. Nous allons devoir imaginer une nouvelle pédagogie pour tisser des ponts entre les opposés et réconcilier, sinon apaiser les âmes. Nous allons devoir apprendre à dire un nouveau réel. 

3

Plasticité sociétale 

Cette nouvelle société à inventer devra interroger nos acquis et nos impasses d’hier et d’aujourd’hui pour trouver le compromis de demain. Le nouveau contrat social sera à ce prix. 

Par-delà les contestations, nous allons devoir nous rappeler qu’en dépit de ces imperfections, notre modèle socio-politique n’est pas si mal. Nous vivons dans un pays qui nous offre une tranquillité politique ; personne ne va en prison ou ne trouve la mort au nom de ses idées, nous sommes libres, pour la plupart en sûreté, avec la possibilité d’un soutien matériel et moral selon les circonstances, et l’ordre règne globalement, même si la tranquillité est régulièrement percutée depuis le mois de novembre. 

Nous sommes une démocratie, un pays dit riche et nous avons des problèmes. Ce n’est pas anormal, mais nous devons tenter de résoudre ce problème de modèle qui diffracte la société, jusqu’à l’ensauvagement de certains, prêts désormais à détruire tout ce qu’ils n’ont pas, au nom de l’égalité ou plutôt de l’égalitarisme. 

Nous devons penser nos valeurs, notre identité, ce qui fait Nation pour re-fabrik-er le commun. 

Nous devons envisager de remodeler de fond en comble notre système de redistribution sociale, même s’il est avéré que nous sommes un, sinon le pays, qui redistribue le plus socialement. Mais, à quoi bon, si c’est pour créer un tel sentiment de colère et d’injustice ? 

Nul pays qui se revendique d’un tel humanisme culturel ne peut laisser prospérer une société vécue comme une machine à broyer les espoirs, les chances et les vies. 

Le champ politique devra apporter des réponses, mais il faut espérer le concours de divers acteurs dont l’entreprise. En effet, le contrat social se conjugue également dans les entreprises. 

La loi PACTE voudrait inscrire la raison d’être dans les statuts, mais le système résiste. Tandis que la loi suit son cours, les entreprises ont un réel intérêt à penser leur utilité sociale pour remettre du sens dans les entreprises et fédérer ainsi les équipes autour d’un engagement commun. 

Quelle raison d’être ? Quel impact social, économique, sociétal, écologique ? Quelle empreinte ? Quel legs ? Ces questions sont fondamentales car elles posent implicitement la question de la décence du travail, de l’honneur du travailleur et donc inévitablement la problématique du travailleur pauvre. Ce drame mérite une réflexion articulée pour comprendre comment revaloriser mieux le travail ? Comment un travailleur pauvre peut trouver des raisons de s’émanciper par son travail ? D’ailleurs, intéressant d’interroger la qualité des emplois que la société crée ? Que disent-ils de la place du travail et de l’individu ? 

Le travail représente certes un enjeu économique, mais indissociable du social. Ainsi, comment l’entreprise et l’État peuvent-ils juguler ensemble cette paupérisation du travail qui engendre une colère assumée d’une part non négligeable de la société ? 

Les réponses à ces questions participeront de la paix sociale ; elles viendront réhabiliter la dualité des droits et des devoirs de chaque citoyen. Elles protègeront par ailleurs l’art de gouverner de l’État et des entreprises tandis qu’elles légitimeront l’art d’obéir du peuple et des travailleurs. Et, cette discipline n’est stable que lorsque la liberté et l’égalité s’incarnent dans un récit cohérent.  

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Solidarités

Dans ce récit collectif du progrès, les solidarités doivent jouer à plein. 

Celle vis-à-vis de soi-même et qui s’incarne dans l’effort quotidien à aller vers un mieux en questionnant ses choix, en prenant plus de risque, en demandant de l’aide, en envisageant différentes hypothèses pour s’ancrer mieux dans la vie et la réussir selon ses propres critères. 

Bien-entendu, la solidarité humaine portée par la famille, les amis, l’écosystème ; faire vivre le partage en dehors des siens, pour tendre la mains aux solitudes, par-delà les générations et créer du commun humain, une fraternité vivante et qui réchauffe les cœurs et les vies. 

Réinventer aussi la solidarité territoriale avec l’imagination de nouveaux modèles de proximité, pour désenclaver les banlieues et les périphéries. Penser une gouvernance territoriale qui serait la gardienne de l’ordre social et favoriserait les politiques de mobilités (transport, travail, social, etc.), l’idée étant d’incarner la promesse républicaine et de rompre avec les solitudes locales. 

Sans oublier l’individu solidaire qui s’engage à travers la philanthropie pour construire une société de bienfaisance et aider à retisser le lien social ; développer une démarche préventive ou curative au bénéfice de l’intérêt général, de l’éducation, de la culture, de l’art, de l’environnement, etc. ; bref, s’impliquer jusqu’à la performance sociale de l’action pour en valider l’impact et adapter les politiques si nécessaire. 

Re-fabrik-er le commun, c’est une ambition humaniste et plurielle qui vaut mieux que le cynisme ou le pessimisme décliniste ambiant. C’est un projet qui ne peut pas être populiste, mais au contraire s’incarner dans une parole et une volonté performative. 

"Et plein d’espoir en vous." François Mitterand 

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Le progrès prend du temps.

Barack Obama