#AskLaCabrik

*
*
*
*

Les informations recueillies via ce formulaire par La Cabrik ont pour finalité le traitement de votre demande d’informations. Tous les champs sont obligatoires pour traiter votre demande. Dans le cas où, ils ne seraient pas remplis, votre demande ne pourra pas être traitée. Conformément à la loi Informatique et libertés, vous disposez d’un droit d’interrogation, d’accès, de rectification et d’effacement de vos données personnelles, ainsi que d’un à la limitation et d’opposition au traitement de vos données. Vous pouvez exercer ces droits en formulant une demande à l’adresse suivante contact@lacabrik.com. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre politique de protection des données personnelles accessible via l’onglet Conditions Générales d’Utilisation de notre site.

Contrat social - Travail - Utilité du travail -

contrat social : le travail #7

Les bornes de l'utilité

Édito — il y a 5 années

Temps de lecture: 3 minutes

"L’homme se donne à l’homme par son travail." Simone Weil

1

S’occuper 

Le travail ? À quoi ça sert ? 

Le travail est une ambivalence ; elle crée du vide, de la souffrance et en même temps emplit une existence de tout.

Le travail représente l’activité d’un être humain, quelle qu’elle soit ; elle sert à vivre ou à vivre mieux. Le travail n’a pas nécessairement une fin matérielle, il peut être par destination une distraction qui aide à faire passer le temps ou une nécessité pour construire sa vie et espérer réaliser ses ambitions. Ainsi, assez rapidement tout de même, le travail n’a pas le même poids chez les individus. 

Le travail occupe de fait une place importante dans les vies des uns et des autres. Les uns souffrent de ne pas en avoir, les autres crèvent d’en avoir un qui produit de la désolation morale et/ou physique. 

Mais au fond, peu importe la nature du travail, il est un objet d’autonomie psychologique, sinon matérielle. Il définit pour partie ce qu’est un individu ; il dit quelque chose de la place de chacun dans la société et pose le curseur du pouvoir dont dispose une personne à travers la perception que les autres ont de sa place dans la société. Le travail est donc aussi un tourment statutaire : beaucoup s’emploient à protéger ce qu’ils ont ou à améliorer leurs acquis tandis que d’autres s’accrochent à ne pas perdre ce qu’ils ont. La fragilité est partout, mais elle n’est pas vécue à l’identique. 

Le travail est un vecteur d’émancipation ; sa nature première est de rendre libre, mais les conditions du travailleur confirment ou infirment ce postulat de départ. 

Il y a d’abord le rapport de chacun au travail qui est pour partie conditionné par l’héritage socio-culturel et les rêves autorisés. Comme dans la fable du casseur de pierres, certains s’imaginent construire une cathédrale tandis que d’autres se voient comme des casseurs de pierre. La nature du métier exercé a un impact dans la représentation que chacun a de son rôle, mais le rapport mental au travail, à l’ambition et au sentiment de démarrer ou pas d’un point A pour aller à un point B, a toute son importance. En effet, un nombre trop important de personnes nourrissent la conviction qu’ils démarrent au point A et finiront au point A. Le point A devient un terminus carcéral et cette vision réductrice du travail entame inévitablement la santé mentale de ces travailleurs qui vivent alors leur condition comme une contrainte aliénante.  

Cette question des conditions est importante ; elle touche à la responsabilité des entreprises, mais également à la responsabilité des individus. De quel pouvoir dispose un travailleur qui se sent exploité et/ou isolé pour y mettre un terme ? Quel pouvoir dépend des règles de la société et quel pouvoir dépend des règles définies par chacun ? 

Difficile question, mais fondamentale question car le marché du travail compte des millions de personnes qui ne se donnent pas le choix, qui refusent de penser qu'elles ont un pouvoir ; de fait, elles ne risquent pas de l’exercer. 

Cette liberté de penser le travail vient de loin ; elle vient d’abord d’une vraie réflexion introspective sur le rôle du travail. Qu’est ce que le travail pour chacun ? Combien de personnes osent se poser véritablement cette question ? Combien s’autorisent à affronter avec authenticité les réponses à cette question pour prendre enfin le gouvernail de leur vie ? 

Combien choisissent de combattre sérieusement la déréalisation de leur travail ? Combien refusent de s’enfermer dans la stupidité bureaucratique qui atrophie peu à peu leur honneur de travailleur ? Combien osent affirmer que l’inutile, la violence, la brutalité et le mépris n’honorent pas le travail ? 

Combien décident d’exister notamment avec leur travail, puisqu’il est entendu de préciser que la vie ne peut pas être réductible au seul travail ? 

2

Exister 

La question du sens et du travail est fondamentale car elle pointe de manière implicite la notion même d’utilité. Elle pose la question clef : à quoi je sers ? 

Quelle est la mission de mon entreprise et quel rôle dois-je y jouer ? Ces questions interrogent de manière plus générale la question de l’intelligence du travail et de manière sous-jacente la question de la liberté dans le cadre accepté au départ.

Chaque travailleur et chaque entreprise devraient se poser la question de l’utile ; les travailleurs ont-il les moyens de produire de l’utile ? Quel est le coût de l’inutile dans le bien-être d’un salarié ? 

Tandis que le travailleur inutile orchestre sa disparition sur le banc social, il est primordial de redéfinir les bornes de l’utilité. Quelle est la vocation du travail au service de la mission d’une entreprise ? Voilà une saine question à laquelle il sera nécessaire de répondre pour acter les frontières de l’incarnation et de la désincarnation du travail. 

Comment une société toute entière, des entreprises et des individus peuvent conjuguer leurs intelligences pour arrêter de produire tant de non-sens ? 

Le travailleur doit décider d’être acteur en questionnant son impact professionnel. Cela suppose de se connaitre, d’appréhender ses goûts et ses dégoûts pour aller vers ce qui fait sens et ensuite déployer ses aptitudes pour créer de la valeur. 

Exister dans son travail, c’est faire un voyage de soi à soi pour faire des choix éclairés ; c’est prendre sa place à table, apprendre, transmettre, partager, construire de la signifiance sans perdre une minute ; c’est refuser les petites compromissions du quotidien par paresse ou manque de courage ; exister dans son travail, c’est avoir le souci de soi pour s’épargner le vide. C’est s’engager et tenir à l’écart le découragement si prompt à s’installer dans nos vies. 

Exister dans son travail va devenir un impératif. Nous pouvions considérer jusqu’à aujourd’hui que c’était une alternative, mais demain, la révolution technologique va perturber de manière radicale les équilibres hommes-machines. L’inutile ne sera plus une option car chaque personne qui ne créera pas de valeur sera remplacée par des robots qui seront programmés pour en créer invariablement. Il y aura sans doute des robots inutiles, mais leur utilité première sera le remplacement du coût humain. 

Il y a donc urgence à repenser le bon grain de l’ivraie pour transférer dès aujourd’hui la pénibilité du travail aux robots pour accompagner le déploiement de l’homme, du travailleur qui doit s’inscrire dans un renouveau d’apprentissage. 

La tension éducative, l’effort d’apprentissage, la découverte de la nouveauté, la zone d’inconfort doivent devenir des préoccupations du quotidien pour transformer le travail en une formidable expérience de vie. Le défi est de convaincre chaque travailleur de partir à la découverte de sa puissance créative pour avoir la capacité d’exprimer ses talents et de se sentir ainsi un travailleur augmenté. 

3

Se réaliser 

Se réaliser dans son travail est une décision mentale. C’est l’agrégation des choix dont le fil raconte quelque chose.

Que faire de soi-même ? Oui, que faire de soi-même ? Voilà la question à laquelle doit répondre le travail. S’interroger le plus tôt possible est impératif pour ne pas laisser s’échapper les possibilités. 

Réfléchir donc pour agir et tenter de conjuguer utile et agréable et accepter que certaines périodes se suffisent de l’un ou l’autre dès lors qu’elles s’inscrivent dans une trajectoire pensée. 

Chacun doit désormais introspecter l’obsolescence de l’humain pour redéfinir son rôle dans la société. L’homme est en compétition d’intelligence avec l’intelligence artificielle. Nous pouvons choisir de l’ignorer ou même nous en offusquer, mais nous ne pourrons pas y échapper. 

Cette compétition est inévitable et dangereuse si l’individu ne réagit pas à la mesure du péril à venir. Nous devons choisir le curseur des nouveaux équilibres plutôt que d’attendre et voir, puis de subir, au risque d’être relégués à un périmètre d’ennui délimité par les robots. 

Qui peut se satisfaire d’une frontière décidée par autrui, a fortiori par des robots ? 

Cette guerre d’un nouveau genre oblige chaque individu à aller vers son risque. Chacun devra se rendre au bord de sa falaise et décider ou non de sauter pour s’offrir la chance de prolonger la dimension utile de sa vie.

Cette bataille est terrifiante ou viviante selon sa propre lecture du monde. Mais, avoir peur et se laisser dominer par cette peur ne sauvera personne ; donc nous avons tous, chacun, et dès aujourd’hui, le devoir de nous réinventer. 

"Deviens ce que tu es" pose pour partie la question du travail, mais pas seulement. 

En 2005, Laure Adler rappelle Hannah Arendt à travers cette phrase : "L'homme dispose d’une autonomie en tant qu’être pensant et son indépendance, à l’égard des choses telles qu’elles sont ou telles qu’elles sont advenues, constitue l’essence même de sa liberté."

Alors, qu'est-ce que le travail pour vous ? Vous avez 4 heures. 

Partager

Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie ; il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux.

Montesquieu