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Contrat social - Gouvernance - Entreprise - Travail -

contrat social : l'entreprise #8

L'entreprise immatérielle

— il y a 5 années

Temps de lecture: 6 minutes

"La première réaction d’une entreprise qui sent ses principes fondamentaux devenir caducs est presque toujours défensive. Elle a tendance à fermer les yeux et à faire comme si tout allait bien. Puis, elle est tentée de faire du replâtrage. Mais le replâtrage n’a jamais été une méthode efficace." Peter Drucker

Une entreprise est exposée à de multiples défis pour mener la bataille de la pérennité. Elle doit faire preuve d’agilité, d’humilité et de curiosité pour définir une gouvernance adaptée aux enjeux politiques, économiques, sociaux et digitaux avec lucidité et courage.

1

Défi politique 

L’entreprise n’est pas réductible à son capital matériel. Les ressources financières sont absolument nécessaires, que l’entreprise soit à but lucratif ou non. Toute organisation a besoin de fonds pour réaliser ses projets et s’inscrire dans la durée. Le capital immatériel est de fait essentiel, car il constitue l’ensemble des éléments non financiers qui impactent la bonne gouvernance de l’entreprise, et en définitive sa solidité financière. 

Tout commence par le projet économique et social. Quelle est la raison d’être de l’entreprise ? Quelle mission choisit-elle de remplir ? Comment peut-elle en garantir le respect ? 

La réponse à ces questions et la maîtrise des réponses à ces questions ne sont pas une assurance vie, mais garantissent tout de même une part importante de la pérennité de l’entreprise.

Articuler son action autour d’une raison d’être qui est autoportante, et inspire l’ensemble des actionnaires, des dirigeants et des collaborateurs, offre un horizon existentiel à l’entreprise, sans que cela soit suffisant. Donner du sens est cfef, mais encore faut-il savoir gouverner. 

Ainsi, une entreprise s’organise en principe autour de trois pouvoirs, séparés ou non : souverain, exécutif et surveillance. Ces pouvoirs définissent la légitimité du pouvoir, structurent la gestion opérationnelle et assurent le contrôle de l’action ainsi que la protection de l’intérêt général. 

Une fois les rôles clairement définis et acceptés, chaque pouvoir agit sans empêcher l’autre ; de manière concrète, cela se traduit par la mise en place du fonctionnement de l’entreprise qui repose sur un cadre pyramidal composé de normes, de comportements et d’interactions, tous influencés par la qualité des rapports de force au sein de l’entreprise. 

Une bonne gouvernance suppose de veiller à la réelle cohésion entre les pouvoirs pour se focaliser unis sur la cohérence des orientations stratégiques de l’entreprise. L’alignement des motivations et des attentes est indispensable pour bénéficier d’un système de commandement et de contrôle performant économiquement et socialement. L’entreprise doit avoir la capacité d’offrir l’autonomie dédiée à chaque pouvoir pour qu’ils puissent exécuter leur rôle respectif : élaborer une stratégie, choisir l’option stratégique privilégiée, mettre en œuvre le plan stratégique validé et assurer le contrôle des résultats. 

Une entreprise doit impérativement gérer l’organisation des pouvoirs pour se libérer de la tension vicieuse de l’ambiguïté politique, et se concentrer sur la construction du leadership de l’entreprise, qui peut aller jusqu’au soft power de la marque. 

2

Défi économique 

La durabilité de l’entreprise est bien entendu dépendante de sa capacité de penser et de gouverner qui se traduit par des variations en matière de gestion opérationnelle. 

La gestion opérationnelle résume la vie quotidienne de l’entreprise ; c’est le respect de la mission, l’incarnation du sens, la cohérence des décisions et la performance du système managérial qui influencent inévitablement l’engagement collectif. 

L’entreprise s’élève ou s’abaisse selon la compréhension d’objectifs stratégiques partagés qui tendent à convaincre les équipes que le gouvernail est entre de bonnes mains. 

La confiance dans la pérennité de l’entreprise puise sa force dans la perception de légitimité des pouvoirs. 

Le management doit savoir communiquer sur le profil moral de l’entreprise et assumer l’équilibre ou le déséquilibre entre l’éthique et les profits. La clarté du cadre de jeu est libératoire pour tous, car de là, découle un ensemble de règles pour lesquelles il faut par ailleurs veiller à déconstruire les injonctions paradoxales. 

Ces attentions favorisent l’accélération de l’entreprise qui avance alors sans perdre son énergie à manager le flou qui agresse en permanence le quotidien. 

Prendre position sur les règles de l’entreprise clarifie le positionnement face à la financiarisation de l’économie. Jusqu’où le curseur doit-il aller ? Jusqu’où la frontière est-elle déjà trop loin ? Jusqu’où la transgression de l’essence même de l’entreprise ? 

Protéger l’entreprise de ses dérives, tout en pilotant sa croissance, oblige à définir des indicateurs de contrôle qui permettent par ailleurs à l’entreprise de s’évaluer par rapport au marché ; la concurrence étant bien entendu l’échiquier concurrentiel, soit la concurrence domestique, européenne et mondiale. Il faut gouverner les yeux ouverts, connaître son écosystème, identifier les acteurs pertinents pour une activité partenariale et structurer son rapport au monde. 

Faire ceci, faire cela, avec discipline, une discipline contagieuse et collaborative pour réussir à penser contre l’entreprise, l’imaginer dans un temps long, sentir les tendances et espérer avoir un coup d’avance. Se donner les moyens de penser l’entreprise pour assurer sa pérennité, à l’aune du monde qui vient et des défis humains et écologiques, au milieu de la jungle économique. 

3

Défi social 

Sans se substituer à l’Etat, l’entreprise a des obligations sociales et envoie un message sociétal. L’enjeu est d’en garder impérativement la maîtrise. Cela suppose de savoir poser les bonnes questions et d’avoir le courage d’y apporter les bonnes réponses, non pas des réponses marketing, mais des positions qui peuvent se traduire de manière réelle. 

Il s’agit donc de définir l’arc moral de l’entreprise et d’arbitrer les valeurs centrales qui vont porter le récit humain du collectif. L’entreprise doit savoir comment sa philosophie sociale, son rapport au travail et aux gens va s’inscrire en cohérence ou en diffraction avec la dignité humaine. 

L’entreprise doit penser la vulnérabilité des individus pour éviter de la renforcer et au contraire déployer des moyens intelligents pour la réduire, sans porter atteinte à la santé économique de l’entreprise. 

L’entreprise doit se comporter avec maturité et développer une vision progressiste du management humain car l’engagement des équipes est tributaire de la dimension sociale de l’entreprise. Il ne s’agit ni d’assister, ni d’infantiliser les équipes, mais de les respecter et de les responsabiliser en pariant sur leurs intelligences et leur potentiel. 

Ce pari humain oblige à une certaine transparence qui se traduit par la pédagogie des décisions : expliquer le cap pour s’adapter avec agilité dans un cadre de confiance mutuelle. 

L’entreprise se raconte également avec le choix de son modèle social, soit la clarté quant aux règles de redistribution, les choix constitutifs des ressources humaines (ETP, temps partiel, CDI, CDD, intérim, free-lance, consultants, partenaires, robots, etc.), les politiques de mixité et de diversité, la dynamique de représentativité de la société à travers la structure du corps social et, enfin, le système de promotion qui traduit implicitement le choix d’un système d’élites et/ou de récompense de la méritocratie.    

Ces choix semblent anodins pour un grand nombre d’organisations, alors même qu’ils ont un impact direct sur la charge mentale des salariés qui peut se mesurer à travers des biais comportementaux qui traduisent quasi systématiquement une souffrance : stress, absentéisme, présentéisme, bore-out, brown-out, burn-out, etc.

De plus, l’entreprise, notamment les ressources humaines et le management, doivent poser les conditions du développement de l’employabilité des salariés en trouvant le juste compromis entre les intérêts de l’entreprise et des individus pour assurer la liberté de rester ou de partir. 

L’entreprise doit apprendre à lâcher-prise et accepter la volatilité du salarié. Elle ne doit pas nécessairement l’encourager, mais elle ne doit pas non plus l’empêcher en imaginant seulement des actions de développement exclusif au particularisme de l’entreprise. 

Ainsi, une vraie gouvernance de la formation doit être définie et exécutée pour accompagner la croissance de l’entreprise, la polyvalence des salariés et leur employabilité interne/externe. Mieux qu’une stratégie de formation, l’entreprise doit impulser une vraie philosophie d’éducation à l’intérieur de l’entreprise. Elle doit inventer une nouvelle manière de libérer l’intelligence du travail en s’appuyant sur l’intelligence humaine, et de plus en plus sur la combinaison des intelligences humaines et artificielles. L’entreprise doit s’organiser pour favoriser la transformation cognitive des  collaborateurs afin de créer et bénéficier d’un cadre d’éducation agile qui encourage les personnes à apprendre à apprendre de même qu’à apprendre à désapprendre pour challenger la transformation de l’entreprise, doper la mobilité sociale et pourquoi pas penser les nouveaux ancrages territoriaux de l’emploi, en concertation avec l’État. 

L’entreprise est une structure qui ne peut vivre et se développer qu’à travers le dialogue qui compose mal avec le fonctionnement en silos, a fortiori dans un contexte d’urgence de la transformation.

3

Défi digital 

La transformation est globale, d’abord humaine, mais également digitale. De fait, l’entreprise doit se préoccuper de l’illectronisme pour ajuster son programme éducatif et offrir à l’ensemble de ses collaborateurs les bases minimales pour survivre dans la nouvelle jungle digitale. Le sujet n’est pas d’apprendre à tout le monde à coder, mais de favoriser l’inclusion digitale. 

La cohabitation avec les robots et de manière plus générale le développement de l’intelligence artificielle pousse la gouvernance humaine dans ses retranchements, et oblige à repenser les modes de travail. Comment travailler mieux ? Comment produire de l’utile ? Comment gouverner avec sens, dans le respect des intérêts économiques et humains ? 

Ces questions sont importantes pour définir un agenda de la transformation (IA+IH) lucide et ayant vocation à faire prospérer le leadership de l’entreprise. Ces tensions créatrices doivent libérer l’imagination des équipes pour inventer demain, tout en gagnant en simplicité opérationnelle, dans un contexte de coopération humaine augmentée. 

Le digital est un risque, mais également une opportunité qui doit provoquer un pivot mental et général pour penser le monde avec la folie utile et nécessaire et créer un impact mesurable dont la création de valeur n’est pas discutable. Le digital doit favoriser une exploration focalisée pour produire des résultats qui ont un sens, et participent à l’enracinement de l’entreprise et des individus. 

La majorité des entreprises sont en souffrance sur l’ensemble des axes de gouvernance. Trop souvent le pouvoir politique est défaillant et vulnérabilise le rôle économique de l’entreprise qui développe mécaniquement une entropie sociale compensatrice au milieu d’une errance digitale sans fin qui épuise durablement le moteur de l’entreprise. Et le sursaut se fait attendre, car elles se murmurent à elles-mêmes comme pour se rassurer : « jusqu’ici tout va bien… », mais jusqu’à quand ?

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Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de trouver sa mesure profonde.

Albert Camus