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Changement - Médias - Information - Société - Journalistes - France Télévisions -

Changement 5/10

Le quatrième pouvoir 5

Édito — il y a 1 année

Revenir à ce qui est important…

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Informer mieux 

Cette campagne présidentielle a frôlé le tragique. Pourquoi ? Nous constatons tous, depuis trop longtemps, un problème de hiérarchisation de l’information, sans parler d’une mauvaise utilisation d’un grand nombre de mots. 

La sémantique n’est plus questionnée et cela crée une sérieuse et grave confusion. Il est important de pointer ici, en particulier, le journalisme politique qui n’est pas un journalisme comme les autres. L’impact de cette spécialité est sous nos yeux, tous les jours, et il serait heureux que la profession se confronte à ses manquements. 

Précisément, les journalistes ont parlé d’une campagne étrange, mais qui est responsable de la ligne éditoriale et de la manière d’interviewer les invités ? Par exemple, quel a été le rôle du format privilégié dans le vide ressenti par des millions de gens pendant le débat présidentiel ? Comment peut-on bien saisir les enjeux quand les sujets sont abordés silo par silo, comme si le monde était réduit à ce réductionnisme de la pensée ?

La dramatique analogie entre un programme social-démocrate vs extrême-droite devrait interroger tous les tenants du monde politique. Comment ne pas se remettre en question quand des citoyens pensent que le politique peut décider des salaires versés par une entreprise ? Comment ne pas penser contre soi-même quand peu de gens arrivent à saisir comment tomber, par le vote, d’une démocratie à un état fasciste, surtout quand la chose est annoncée, sur les ondes, à heure de grande écoute ? 

Un des problèmes ne viendrait-il pas du désordre informationnel provoqué par le surnombre de débats d’opinion, en guise d’information ? En effet, une opinion n’est pas toujours le reflet d’une réalité ; l’opinion est influencée par l’éprouvé, la perception, l’expérience et une large palette de sentiments et la mauvaise foi n'est pas rare. Or, trop souvent pendant ces débats, les faits sont tus ce qui contribue largement à désinformer les gens. De plus, la course à l’audience exacerbe le superflu, au détriment de l’expertise. 

2

Apaiser la société 

Informer ne peut plus être une course au scoop, une quête de la petite phrase pour trouver la punchline qui fera ensuite le buzz sur les réseaux sociaux, tout en surveillant par ailleurs les tendances de ces mêmes réseaux sociaux pour structurer les lignes éditoriales des journaux ou des magazines. 

Il est plus que temps d’apaiser le bruit générer par ce vacarme de faible qualité qui détruit la société. Les médias sont le quatrième pouvoir et ils doivent agir en responsabilité, en se posant de nouvelles questions pour instaurer un espace de dialogue commun. 

Il est plus que temps de mettre un stop aux commentaires simplistes, dépourvus de nuances qui déforment la vision de la société et l’articulent dans un schéma binaire. Le monde est complexe et suffisamment brutal pour ne pas en rajouter. Les médias doivent comprendre que leur manière d’informer peut être anxiogène, ou pire encore, créer le repli. Est-ce étonnant que près de la moitié du pays comprenne si peu les affaires de l’Europe ? Bien entendu, les politiques ont une réelle part de responsabilité dans cette méconnaissance car ils racontent très mal leur mandat et leur mission à l’Europe. Mais les journalistes, en laissant régulièrement leurs invités taper sur l’Europe et lui imputer tout ce qui va mal dans le pays, sans par ailleurs rappeler de quelle manière l’Europe fait bouclier dans la mondialisation, commettent une erreur d’information qui participe de la désinformation.

Il est plus que temps, aussi, que les journalistes arrêtent de laisser la peur s’inviter sur leur plateau ; c’est trop souvent désormais et cela crée une atmosphère mortifère dans le pays. Au soir des élections du second tour des présidentielles, il était insupportable d’entendre l’ensemble des partis de l’opposition exciter la colère du peuple, sans faire montre de la moindre humilité. Après tout, ils ont perdu, mais ils transforment le match des législatives en troisième tour, avec une violence verbale qui ne devrait pas être tolérée. Ils assènent des contre-vérités pour accompagner leur dessein tourné uniquement vers l’élargissement de leur pouvoir. 

Comment des journalistes peuvent-ils ne pas questionner les réalisations respectives des uns et des autres ? Le bilan d’Emmanuel Macron ne cesse d’être convoqué, à raison, mais qu’en-est-il du bilan des mandats locaux des acteurs de l’opposition ? Qu’ont-ils réussi ? Quelles sont les souffrances qu’ils ont participé à résorber ? Personne ne sait rien de leurs actions, ou si peu de choses, mais en revanche, ils se donnent le droit de venir mettre le feu au pays, en remuant les peurs dans les médias. Et bien, cela ne devrait plus être permis. 

La responsabilité des médias devrait être d'élever le niveau.

3

Élargir le champ 

Alors, comment aller vers le mieux ? Peut-être faut-il changer la manière d’interagir de la rédaction, avec plus de dialogue de controverse ? Peut-être faut-il organiser plus de discussions pluridisciplinaires pour avoir moins d’angles morts ou orientés ou biaisés pour faire l’info comme on dit ? Et peut-être faudrait-il renouer davantage avec le journalisme d’investigation qui favorise le terrain et la confrontation au réel ? 

Les médias doivent accompagner le plus grand nombre à affronter les grandes questions relatives aux grands enjeux du monde qui vient. Il y a des choses inévitables et d’autres pour lesquelles nous pouvons individuellement et collectivement avoir une influence, mais encore faut-il être au fait de ces sujets ? 

Nous avons tout de même un problème : trop de français sont fâchés avec l’économie, les sciences, les technologies, le social, le français même. Or, pour comprendre le monde, il faut, plus qu’hier, être en capacité de le raconter avec une vision holistique, l’idée étant de parler avec justesse des enjeux et d’élever le niveau. 

Cela inclut le journalisme de solutions, mais cela va bien au-delà. Il est important de comprendre les transformations du monde, a fortiori celles qui sont aisément familières aux gens, pour entamer une démarche de changement concrète et adaptée. 

Aujourd’hui, trop de gens sont égarés et sont en dehors du monde ; ils sont à coté et développent une vision alternative, mais factice de la société. Et, cet abîme détruit le commun. Les journalistes ne peuvent tout simplement pas commenter ce fait, tout en l’enjambant, sans prendre leur part de responsabilités dans cette gangrène informative. 

L’heure est grave. Nous pouvons éviter le pire, mais à la condition de nous sentir collectivement concernés. Nous pouvons tous faire quelque chose pour calmer les passions tristes. Par exemple, expliquer les fondements du régime de retraite, puis les impacts de la démographie, et de la digitalisation du travail sur les équilibres financiers plutôt que de pointer seulement l’âge du départ à la retraite. C’est plus complexe que cela. 

Les journalistes doivent réincarner leur mission car nous méritons mieux. Nous devons (ré)apprendre à viser collectivement plus haut. 

Saluons bien-sûr le journal Les Échos pour sa neutralité dans le traitement des sujets, la couverture très hétérogène et réflexive de France Culture et quelques inflexions vers le mieux de France Télévisions qui déploient beaucoup d’énergie et de moyens pour lutter contre les fake news, proposer des formats de discussion plus apaisés et des documentaires de qualité. Cependant, il est encore possible de mieux faire pour accompagner les changements du monde, de manière éclairée et de façon plus douce, si tant est que cela puisse être possible. 

Bref, il faut transformer le quatrième pouvoir pour mieux le préserver de la crise de défiance qui n’est pas terminée dans un monde qui ne cesse de changer et de se durcir sur fond de complexité. 

 

Nicole Degbo

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La Cabrik est une fabrik de gouvernance stratégique et humaine qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.

Aller plus loin 

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