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Contrat social - Transformation - Société - Entreprise - Economie - Humain -

Contrat social : le monde d'après #11

La tyrannie du conformisme

Édito — il y a 3 années

"Que celui qui veut faire bouger le monde se déplace d’abord lui-même." Socrate

Ce petit virus a de grands pouvoirs ; il est malin. À lui seul, il a réussi à confiner le monde, à obliger les dirigeants de chaque pays à sortir de l’ambiguïté en faisant un choix entre l’économie et l’humain. 

Ce virus est à l’origine d’une crise sanitaire que notre imaginaire, mais surtout notre mémoire de l’histoire aurait pu anticiper. Par son arrivée soudaine et presque sans sommation, il a rappelé au monde entier que les humains sont mortels, en dépit de la quête transhumaniste de certains. 

Ce virus a aussi mis à l’épreuve les modèles économiques et sociaux privilégiés par chaque pays ; il a braqué une lumière crue sur les forces et les faiblesses du contrat social des quatre coins du monde ; et, par la même occasion, s’est montré généreux pour nous montrer le chemin de nos menaces réelles et des opportunités magnifiques que nous avons de réparer ce qui ne fonctionne pas, mais surtout d’imaginer autre chose, de nouvelles règles, un autre monde. 

Mais voilà, penser l’avenir peut être effrayant, à plus forte raison lorsque l’imagination est appelée au secours. Le confinement a été une merveilleuse occasion de démontrer que lorsque des vies humaines sont en jeu, une partie du corps social sait renoncer à ses habitudes pour créer un nouveau cadre fonctionnel afin de sauver des vies. C’est ainsi que le personnel soignant c’est réinventer dans une exceptionnelle solidarité en dépit de la crise de l’hôpital ; les EPHAD exposés ces derniers mois à une critique féroce pour leur traitement déshumanisés de nos anciens ont montré une humanité magnifique ; le personnel a dressé un cordon sanitaire et affectif pour protéger les personnes âgées de la maladie et de la solitude ; certains industriels ont créé un consortium inédit pour fabriquer des respirateurs à une cadence clairement inespérée ; d’autres entreprises se sont mobilisées pour porter secours à l’État, en se substituant à lui pour commander des millions de masques ; chaque acteur qui avait les moyens et la volonté d’aider a su trouver un moyen de se rendre utile. 

Cette solidarité d’urgence mériterait d’être questionnée davantage pour être normalisée. Après tout, devons-nous attendre que nos vies soient menacées pour donner, nous dépasser, imaginer ? 

Le déconfinement est la séquence suivante et il occupe bien des esprits ; comment retourner au travail sans se mettre en danger ? Comment trouver un bon compromis entre l’économie et l’humain ? Comment accepter l’incertitude sanitaire, économique et sociale sans se laisser dominer par la peur ? 

Nous pouvons déjà entendre les injonctions économiques : déconfiner, relancer l’économie qui menace littéralement de s’effondrer, rationaliser les coûts et sans doute licencier. 

Nous entendons par ailleurs certains acteurs, probablement sous le coup de l’inquiétude, exprimer de manière explicite la menace d’augmenter les prix de 50% si les précautions sanitaires confirment leur caractère drastique en matière de distanciation sociale ; le secteur aérien, l’hôtellerie-restauration, le monde de la culture, les transports en commun sont en première ligne et, fébriles, braquent nos émotions ; chacun parlent de ses contraintes financières en oubliant que ce n’est pas ce qui fera revenir les clients ou les usagers. Peu se disent qu’invoquer les précautions sanitaires ne suffira probablement pas car nous sommes confrontés à une peur irrationnelle dont l’objet est rationnel. Alors, comment créer les conditions de la confiance ? Comment donner envie aux salariés, aux consommateurs, aux citoyens, de reprendre la vie d’hier, en mettant cette séquence de quarantaine entre parenthèses ? 

Peut-être faut-il ouvrir le champ d’une réflexion nouvelle ? Peut-être faut-il donner la perspective d’un monde bâti sur plus de sens et une plus grande cohérence entre les différents corps sociaux ? Peut-être qu’un chantier pour construire une société plus juste, avec des entreprises en première ligne dans ce désir de renouveau donnerait envie aux uns et aux autres de s’exposer pour participer à cette autre chose ? Peut-être nous faut-il explorer cette perspective ? 

C’est ainsi que des milliers de personnes se sont portées volontaires auprès de l’AP-HP pour donner du temps et offrir leurs compétences pour accompagner l’hôpital dans cette crise sanitaire d’une ampleur inédite ; elles ont accepté une prise de risque relative en souhaitant par dessus tout faire quelque chose et se rendre utiles. 

C’est bien que le sens peut faire des miracles ; c’est bien que la peur peut être domptée ; c’est bien que la confiance dépend de l’histoire qui se déroule sous nos yeux. 

Un grand nombre d’acteurs du monde d’hier sont sollicités depuis plusieurs semaines pour dessiner les contours du monde d’après. Ils font des analogies facilement linéaires, dessinent le monde d’après avec les modèles d’hier et explique avec la sagesse de l’expérience que le choc sera si brutal que l’économie sera, devra, être pilotée à l’aune des marqueurs habituels : la rentabilité brute. 

Ce virus sera miraculeux, pour ne pas dire magique, en dépit de la tragédie des morts, si l’analyse de ce qui s’est passé pendant le confinement change en profondeur les esprits. Faut-il se dire que les choses seront irrémédiablement comme nous avons l’habitude de les imaginer ou alors est-il possible d’inventer précisément autre chose ? Est-il pensable que la majorité accepte le fracas de ce vacarme sanitaire, économique et social pour oser aller vers un autre inédit, pour refaire société ? 

Foutu pour foutu, quel risque le renouveau nous ferait-il prendre ? Nos devoirs sont multiples : nous devons redéfinir notre contrat social, rebâtir l’hôpital, repenser les fondamentaux de la mondialisation, en délocalisant des activités vitales pour la souveraineté de la Nation, sans nécessairement être régaliennes ; nous devons également restructurer l’école à l’aune des inégalités sociales explosives et confirmées en temps de crise ; nous devons enfin, et cela devrait être une promesse, revisiter la dimension essentielle des métiers pour imaginer une nouvelle chaîne de valeur sociale. 

Ce virus sera providentiel s’il arrivait à modifier les orientations stratégiques des fonds d’investissement pour trouver un meilleur équilibre entre l’économie et l’humain. 

Nous attendons des assureurs, mutualistes ou non, qu’ils réfléchissent mieux et de manière innovante aux menaces de demain ; et enfin, il serait inespéré que les banques apprennent à soutenir l’économie avec d’autres règles. Beaucoup et notamment les entreprises les plus petites et les plus vulnérables ont pu constater que même en temps de crise, et avec une garantie de l’ordre de 90%, les banques n’ont pas modifié leurs scoring pour soutenir les entreprises ; elles ont sélectionné et éliminé les sociétés comme à leur habitude, avec une agilité qui reste à prouver. Elles ont protégé de manière si conformiste les puissants qui demandaient de l’aide avant de penser aux petits qui avaient besoin d’aide. Elles n’ont pas su construire une nouvelle grille de lecture pour évaluer le potentiel des uns et des autres ; elles analysent le passé froidement, en pensant que le passé parle pour l’avenir alors que l’histoire montre bien que la vie d’une entreprise n’est pas linéaire, en particulier lorsqu'elle est jeune et par définition fragile. 

Nous savons déjà que la digitalisation va poursuivre son chemin et que la consommation de masse va être contrariée, jusqu’à ce que la confiance revienne. Les esprits vont donc inévitablement devoir s’armer de patience pour reconquérir le besoin et, il faut l'espérer, de gratitude envers les héros de cette crise pour trouver le bon équilibre entre l’intelligence humaine et les nouvelles technologies. 

L’endurance, l’excellence et la conquête du désir client seront des piliers fondamentaux pour survivre. L’imagination sera la force de vie. Et, même si penser l’avenir est difficile, nous devrons résister aux réflexes des vieux pots de confiture en pensant à chaque tentation : « it’s conformism, stupid. »

La tyrannie du conformisme est de la responsabilité de ceux qui vendent leur conformisme et de ceux qui l’achète sans penser aux externalités négatives de ce qu’il produit : un vieux monde rabougri, conservateur et manquant singulièrement d’agilité et d’humanisme ; c’est une fabrik d’insatisfactions que seuls les esprits conquérants et aventureux auront la force de briser, à force d’un imaginaire débridé, fou et, en même temps, profondément rationnel et obsédé par la satisfaction du client, du travailleur et du citoyen qui cohabitent en chacun d’entre nous.   

"Alors, pour nous retrouver, assumons le risque de penser par nous-même." (Socrate).

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La Cabrik est une fabrik de gouvernance stratégique et humaine qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.

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Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de trouver sa mesure profonde.

Albert Camus