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Travail - Culture - Gouvernance - Chômage - Recrutement - Salaires - Diplômes - Compétences

Travail

La schizophrénie du travail

Édito — il y a 4 années

Le travail est un des leviers essentiels pour redonner du sens à la valeur égalité.

En France, le chômage structurel est actuellement à 8,7%, soit le niveau d’avant la crise de 2007. La France est devant la Grèce, l’Espagne et l’Italie. 

Le drame de Notre-Dame remet au centre la question des métiers d’art, les métiers manuels, ces mains au service de notre Patrimoine. Si ces métiers-là, certes en voie de disparition, sont considérés comme des carrières nobles, un grand nombre de métiers physiques, tournés vers l’aide à la personne, l’enseignement, le soin ou le service souffrent de désaffection. 

Nous entendons régulièrement des entrepreneurs (restauration, boulangerie, boucherie, auxiliaire de vie, agriculture, industrie, etc.) expliquer les difficultés de recrutement alors même que le taux de chômage reste élevé. 

Nous entendons également des start-up ou des métiers spécifiques propres aux nouvelles technologies raconter la guerre des talents, mais cela repose en partie sur la pénurie de compétences associée au manque d’imagination de certaines entreprises. 

Culturellement, la France recrute sur la base de critères fermés, exigeants, et souvent inadaptés. En France, les recrutements sont souvent surcotés et les candidats ne s’y trompent plus. Un grand nombre d’entreprises cherchent le candidat idéal dont le profil type est par destination surqualifié pour mieux être sous-utilisé. Ce déséquilibre existe depuis très longtemps. 

Mais, en France, les travailleurs ont également un rapport sélectif au travail ; il y a les métiers  qu’ils se jugent dignes d’effectuer et, les autres, qui souffrent d’un turnover structurel, voire d’une désaffection mortifère qui condamne inexorablement l’entreprise à recruter en particulier des personnes en situation de fragilité, mais aussi à l’étranger, tandis que demain elles pourront substituer l’humain de ces métiers-là par des robots. 

Il y a donc assurément quelque chose à revoir. 

Nous sommes une société clivante et cela n’épargne pas le travail. Résoudre ce problème met la direction des ressources humaines en première ligne. Elle doit exercer son regard et apprendre à regarder au-delà de la toile pour distinguer la réalité du potentiel de chaque candidat. 

La direction des ressources humaines doit apprendre à l’entreprise à sortir de ses critères ancestraux pour recruter mieux, de manière plus efficace, plus juste et plus inclusive. Beaucoup d’acteurs des ressources humaines ne s’y trompent pas ; aujourd’hui la HR tech témoigne de cette émulation du marché. Il s’agit de résoudre ce problème de recrutement qui représente une vulnérabilité pour l’entreprise et pour la société.

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Diplômes vs. compétences 

Au commencement il y a le poids du diplôme dans le recrutement. Notre culture élitiste donne depuis toujours une part irrationnelle au diplôme, au point de minorer l’essentiel : la compétence. Nous sommes beaucoup à avoir fait l’expérience d’un "job" d’été ou d’un premier stage. Souvent l’expérience est un argument qui nous est opposé. Ainsi, quand vous débutez, le système vous reproche le manque d’expérience et en fait une excuse pour rejeter des candidatures pertinentes et, ensuite, quand vous avez de l’expérience, elle organise un tri selon la valeur attribué au diplôme, comme si cela signait la garantie d’un succès à venir. 

Ce réflexe s’explique par le réflexe de clonage. Il est plus sécurisant de recruter une personne qui nous ressemble et partage les mêmes codes et socle de références. Ce biais témoigne à l’évidence d’un manque d’ouverture et d’une méfiance structurelle vis-à-vis de la différence. C’est un coup d’arrêt à la création de valeur de la diversité. 

Mais, cette machine à trier raconte autre chose. Elle murmure au marché que la valeur et donc l’intelligence d’un candidat est réductible à son diplôme. Ce modèle est bloquant, dévalorisant et entraîne une longue série d’auto-censures qui nourrit la perte de chance de candidats qui s’éliminent sur la base de critères caducs. 

Cette discrimination tranquille se propage dans la culture des entreprises qui développent par capillarité une autre frontière au sein de l’entreprise : la carrière statutaire. Au nom de cette sélection, les élites bénéficient de privilèges au service de leur carrière ; au-delà d’une attention particulière, il y a la nature du premier poste, la rémunération associée, la qualité du portefeuille de formations accessibles, une promotion régulière et un système de cooptation qui achève de marquer la différence entre l’élite et le reste. 

Ce mode de fonctionnement dénature le principe même de la reconnaissance car il détourne la notion de mérite lié aux résultats pour promouvoir le mérite au bénéfice du statut. C’est alors la promotion assumée d’un système profondément inégalitaire, par nature. 

Ce postulat diffracte l’engagement et provoque une vraie perte de repères s’agissant de la valeur du travail. 

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Utilité vs. salaires 

La question est essentielle : quelle est la valeur du travail ? Comment se sont déterminés les salaires des métiers ? Quelle est la base d’évaluation ? On parle de création de valeur, mais laquelle ? 

Qu’est-ce qu’un travail utile ? Est-ce qu’une infirmière est moins utile qu’un publicitaire ? Est-ce qu’un enseignant est moins utile qu’un journaliste ? Est-ce qu’un policier, un militaire ou un pompier est moins utile qu’un trader ? Comment avons-nous accepté pendant tant d’années, sans jamais remettre les principes en cause, qu’une si grande disparité d’utilité s’installe tranquillement dans la société ? 

L’heure n’est-elle pas venue de requestionner le choc des utiles ? La stricte égalité n’existe pas donc il ne s’agit pas de donner l’illusion de la créer ; cependant, la valeur d’un travail par le prisme de son utilité a perdu du sens. 

Au-delà du salaire, la régularité des augmentations pose également question. Certains métiers connaissent une courbe d’évolution très faible, trop faible, quand elle est mise en perspective d’une vie et cela crée du désordre. 

Ce désordre est le fruit d’une impuissance acquise ressentie par des millions de travailleurs qui ne comprennent pas le non sens de la non valorisation d’un travail utile qui crée de la valeur au service de l’humain, qui soigne, secourt, protège, éveille, aide, etc. 

Nous sommes dans un grand moment d’entreprise qui investit la raison d’être. Mais celle-ci peut-elle avoir du sens quand des individus se sentent déconsidérés de manière individuelle : être au service d’une noble mission, mais avoir le sentiment d’être une quantité négligeable ? Ce sentiment n’est pas tenable car cette désillusion se mue en révolution silencieuse.  

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Chômage vs. recrutement 

Puisqu’il en est ainsi, les travailleurs jouent avec les règles de ce mauvais jeu. Ils se positionnement, choisissent et opposent un mépris inversé de ces métiers dont la valeur salariale est en contradiction avec la valeur perçue de leur utilité. Un snobisme de carrière s’installe aux dépens des entreprises qui sont victimes de la schizophrénie du travail. 

Des emplois sont d’autant plus méprisés que nous sommes dans un pays d’étiquettes. Nous enfermons les personnes dans des carrières, mêmes lorsqu’elles sont provisoires, laissant peu de place au travail d’appoint, le temps de concrétiser un projet professionnel comme dans les pays anglo-saxons par exemple. 

Rares sont les jeunes diplômés qui commencent par leur "job" idéal ; toutefois, il s’agit tout de même de faire attention aux choix intermédiaires pour ne pas ruiner un CV avant même d’avoir commencé sérieusement la vie active. 

Quand on regarde du côté des Etats-Unis, l’exemple de la sénatrice Alexandria Ocasio-Cortez est riche d’enseignement. Elle était serveuse, mais n’a pas été réduite à cela. Son intelligence et son potentiel signifiaient tant et si bien autre chose qu’elle est désormais qualifiée de phénomène dans la vie politique américaine. 

En France, sommes-nous capables de la même ouverture ? N’y-a-t-il pas là quelque chose à réparer ?

Nous devons réapprendre au pays à rêver, imaginer des carrières et bâtir des projets. Nous devons réenchanter l’imaginaire d’un grand nombre de travailleurs pour qu’ils réapprennent à croire en eux, plutôt que de se contenter de faire le tri entre les métiers dignes ou pas d’être acceptés ou de déprimer tranquillement, mais à l’abri dans leur entreprise car le sens du travail s’est perdu ou n’existe pas. 

Nous avons tous du talent pour faire quelque chose ; nous avons tous un métier qui nous attend, qui est fait pour nous et nous permettra de nous épanouir. La vie n’est pas réductible au travail, mais puisqu’il occupe une part si importante de nos vies, il est plus que temps que les travailleurs se sentent fiers de travailler et acceptent parfois l’idée d’occuper un travail provisoire, sans nourrir l’idée que cela est dégradant. Nous devons sortir de ce modèle infernal qui crée de la souffrance, dévalorise le travail et entraîne des réaction étranges de part et d’autre. 

Chacun est responsable donc tout le monde a le pouvoir de changer les choses. Il suffit de le vouloir, d’agir et de faire pivoter la société toute entière car nous le valons bien. La direction des ressources humaines sera un contributeur clef de l’invention d’un nouveau contrat social entre les entreprises et les travailleurs. 

 

La Cabrik accompagne les transformations en privilégiant la centralité de l’humain, jusqu’au pivot cognitif des individus. 

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