contrat social : la colère #1
Je rêvais d'un autre monde...
Édito — il y a 5 années
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You may say I’m a dreamer,
But I’m not the only one,
Imagine, John Lennon
Blues collectif
C’est le début de l’année, mais notre moral collectif est déjà fatigué, épuisé de toutes ces violences qui s’installent avec une désapprobation molle.
La rue s’exprime dans sa pluralité et réclame un nouveau modèle de société, comme le monde entier ; c’est une épidémie mondiale dont la forme varie. La fraternité a disparu du globe car les disparités sociales sont trop fortes : trop de laissés-pour-compte, trop d’inégalités d’espoir.
Au milieu, la classe gris clair, gris foncé, pas assez pauvre, pas assez riche.
Au loin, la fracture technologique dont les contours restent encore indéfinissables, mais dont les menaces sont déjà perceptibles.
L’avenir est tellement certain d’être incertain que le présent est tourmenté et cherche à conjurer le sort. Où aller ? Personne ne sait répondre ; mais ce désir d’un ailleurs décent obsède : se réinventer dans un monde global et connecté, trouver une nouvelle raison d’être, rester solidaires, se sentir utiles, éviter la mort symbolique ! Nous voilà donc avec une équation complexe à résoudre et qui, dans l'attente de réponses satisfaisantes, fragilise l’équilibre républicain.
Liberté
La liberté tout d’abord n’est plus. Une poignée d’individus en colère inventent une révolte des temps modernes mêlant les codes traditionnels et digitaux ; s’en remettre aux références sélectives de l’histoire tout en utilisant les réseaux sociaux, lesquels influencent précisément nos comportements. En effet, ils sont un magnifique espace de liberté qui offre une caisse de résonance sans filtre, à toute personne qui choisit de s’exprimer dans un groupe ouvert ou fermé. La parole est libre, jusqu’à l’outrance.
Le danger vient du fait qu’il est admis de percuter la liberté de circuler des uns, la liberté de penser des autres ; oui, menacer, intimider, barrer la route avec violence ne choque plus. Au nom de la fragilité sociale, tout passe.
Nos libertés sont amputées par la volonté d’individus qui se sont arrogés ce droit et tant pis pour les dommages collatéraux ; tant pis pour les faillites, les travailleurs et/ou entrepreneurs en difficulté car dans la tête des gilets jaunes, samedi, c’est le week-end. Ils oublient que non, samedi c’est jour de travail pour certains. Tant pis pour les commerces détruits, tant pis pour les banques vandalisées, tant pis pour les magasins pillés, tant pis pour les autres donc, y compris les journalistes pris dans un nœud gordien. Tant pis pour les forces de l’ordre dont la mission est rendue difficile et tant pis pour les blessés graves chez les gilets jaunes. Tant pis pour la majorité d’entre nous qui assistons impuissants à ce triste spectacle d’une démocratie à vif.
Égalité
L’égalité… parlons-en !
Aujourd’hui, à chaque information, l’esprit des gilets jaunes est convoqué pour fixer le curseur. Sommes-nous tous tombés sur la tête ? Au nom de quoi l’opinion des gilets jaunes devrait-elle supplanter celle du plus grand nombre ? Leurs avis devraient-ils compter double ou triple car ce serait le peuple oublié ? Nécessité serait alors de rattraper le temps, l’espace, la vie, une vie perdue à essayer de la gagner ? Est-il possible de nous ressaisir collectivement ?
Pouvons-nous acter que la vie doit changer, que le monde devrait être autrement, sans dériver vers l’irrationnel ?
Un gilet jaune ne compte pas plus qu’un autre français au prétexte qu’il verbalise sa souffrance. La pauvreté ne donne pas plus de droits que la richesse, même si de meilleures aspirations sont légitimes. La richesse offre certes plus de moyens, mais elle ne confère pas non plus davantage de droits.
Simple, mais bon de le rappeler car le débat devient pusillanime. Chacun a peur de heurter la colère éruptive des gilets jaunes, donc il ne faut plus dire, nommer ou réprouver au risque d’être accusé d'être manquant sur le plan humain. Mais où allons-nous avec cette nouvelle lecture de nos pensées et de nos sentiments ?
Comment débattre quand chacun se mure dans son irrationalité supérieure ? Comment retrouver la paix ?
Fraternité
Enfin, la fraternité est en crise et c’est une crise qui vient de loin. C’est une crise émotionnelle qui diffracte nos valeurs lentement, mais profondément.
À force de peindre la France en noir, le pays s’est déprimé et ne croit plus en son avenir, sinon dans un cadre de repli alors que la fureur du monde extérieur continue de prospérer et de gagner en agressivité.
Le pays est morose et les règles du jeu ne sont plus respectées. L’espace politique n’est plus fair play ; les perdants n’acceptent plus leur défaite. Chacun se voit comme un recours providentiel, en dépit du fait que la démocratie s’est exprimée. Aussi, chaque jour le pouvoir est contesté et le pays se délite.
Or, notre plus grand péril est bien cette absence de fraternité qui percutent désormais chaque jour nos valeurs.
Notre salut ne viendra pas de la violence, mais de nos intelligences. Nous devons regarder nos acquis en face et les mettre en perspective à l’aune du monde qui vient.
Nous devons imaginer un nouveau contrat social avec passion mais, dans le calme car le péril guette.