contrat social : le débat #3
Enraciner la parole
Édito — il y a 5 années
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Parler, débattre, nommer avec courage et transparence est un acte inaugural vers l'individuation collective.
Le nœud social
Ouvrir le dialogue conduit vers l’inévitable débat d’une société devenue malade de ses imperfections et de ses excès ; une société dont les fondements sont affaiblis par un contrat démocratique lui-même fragilisé qui met à mal d’un côté l’art de régner et de l’autre celui d’obéir.
La France connaît une crise de la représentativité qui plonge un grand nombre d’acteurs dans un désarroi total ; celui d’avoir vu sans avoir pu empêcher, celui de n’avoir pas vu ou pas cru, celui nourrit de la peur d’être parmi les premières victimes.
Ce grand débat met tout sur la table : le compris et l’incompris qui s’incarnent dans les fractures annoncées depuis plus de 30 ans. C’était la fracture sociale avant la fracture numérique, mais ce choc technologique promet une déflagration sociale sans précédent qui impose le devoir de trouver des solutions aux défis actuels et futurs de la société ; c’est le défi d’injonctions plurielles : résoudre les externalités négatives du capitalisme qui détraquent les sociétés et l’environnement aux dépens du plus grand nombre, mais au profit de quelques uns.
Ces inégalités créent une charge mentale dans la Cité qui menace l’ordre social. Le temps est donc venu d’avoir le courage de la parole pour nommer, dire et exprimer avec transparence ce qui crée cette diffraction sociale.
Une vie enracinée
Il nous faut libérer la parole pour conscientiser et verbaliser cette sombre vision du collectif, conséquence indissociable d’une décadence de notre grandeur passée.
Nous devons retrouver collectivement le pouvoir d’agir pour endiguer la chute et acter à voix haute que l’impuissance ne doit pas être tenue pour acquise.
Nous devons nous réapproprier notre destin collectif et revisiter le cycle de vie de nos droits : comment vivre ensemble demain ? Comment incarner individuellement quelque chose qui donne à chacun un sens à sa vie ? Quel projet de société imaginer pour se projeter dans quelque chose qui nourrit un nouvel espoir ?
Des questions essentielles qui tourmentent un peu tout le monde et beaucoup certains. Les uns sont déjà effrayés par la société telle qu’elle est aujourd’hui, d’autres sentent la menace poindre, comme une météorite, et d’autres encore se sentent juste démunis face à un monde qui change à toute vitesse et dont le cadre de référence ne cesse de se redéfinir.
Comment inventer des règles du jeu suffisamment protectrices quand le monde fonctionne de manière si globale et imbriquée ? Doit-on définir les frontières d’une souveraineté nationale ou doit-on imaginer une souveraineté géographique et donc européenne pour avoir un bouclier suffisamment solide pour résister aux assauts répétés de ceux qui se disputent le leadership du monde ?
Dans ces conditions, comment réguler le capitalisme de manière efficace ? Comment évoluer tout en conservant un système à visage humain ? Comment sortir le plus grand nombre du carcan du déterminisme existentiel pour offrir un nouveau cadre à l’ascenseur social ?
"Remplacer le système par quoi" reste la question à laquelle personne n’a encore trouvé de réponse, étant entendu que les autres systèmes sont pires.
La puissance acquise
Parler, c’est déjà agir ; débattre c’est avancer ; c’est avoir l’audace d’imaginer un autre monde, sachant que tandis que les uns rêvent à voix haute, les autres doivent ancrer les aspirations dans un cadre de co-responsabilités de droits et de devoirs, où chacun donne et reçoit.
Reformuler un système de don/contre-don est notre défi collectif pour redonner du souffle à un système qui n’a cessé d’être rafistolé à coup de rustines pour éviter d’adresser les vrais problèmes, comme il faut. Le résultat de cette temporisation pusillanime est la diffraction du corps moral collectif.
Attendu que la confusion totale entre le nécessaire et l'agréable est une utopie moralement satisfaisante, mais clairement inapplicable, il faut avoir le courage lucide de créer de nouvelles consciences pour inventer un nouvel équilibre des intérêts souvent antagonistes des entreprises, des travailleurs, des consommateurs et des investisseurs. Est-ce le chemin de la décroissance ou celui de la décence ?
Il s’agira de répondre de manière exigeante aux questions qui vont permettre le surgissement d’un nouveau contrat social en ayant encore une fois le courage d’accepter ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, car la performativité d’une décision vient aussi de son réalisme.
Mais, il nous faudra également choisir une direction claire, car agir, c’est s’inscrire dans un ensemble de contradictions qu’il faut trancher pour précisément donner une orientation forte à l’action, et ceci, dans le respect de nos principes.