Post-covid
Digital culture ? 5
Édito — il y a 3 années
Une pluie de milliards suffira-t-elle à sauver la culture ?
Nous sommes face à un inédit : au cours de la même année, les jeux olympiques d’été, la FIAC, le salon du livre et la plupart des événements ont été annulés. Le monde du sport n’est pas épargné ; Roland Garros a été décalé et joue à guichet presque vide ; idem pour le foot, le rugby et les autres sports. Le monde de la publicité est directement impacté et dans un même temps, le modèle économique de l’entertainment est profondément remis en cause. Nous sommes en 2020, et l’année n’est pas terminée. Est-ce une année maudite ou est-ce un rappel cinglant au bilan de nos petits compromis du quotidien avec notre courage qui se sont étirés sur plusieurs années, au point de dérégler profondément, durablement et a priori d’une manière inacceptable nos vies ?
Ainsi, la COVID-19 sonne le glas et nous assistons à une crise sans précédent qui fracasse notamment la culture, en état de K.O., tant elle est condamnée à une existence solitaire.
Depuis le 17 mars, presque tout est à l’arrêt, comme en sursis, à l'exception de la culture digitale. Du jour au lendemain, (presque) tout a basculé vers le numérique pour tenter de respirer.
Le monde des livres a accepté avec une très grande discipline sa mise en quarantaine, au grand dam des lecteurs dont certains avaient le temps de lire ; comme si le seul mode d’achat était réductible au corps de la librairie : peu d’e-commerce et pas d’usage de Facebook ou d'Instagram. Cette crise a pointé du doigt le besoin urgent de transformation d’une filière qui n’a pas beaucoup changé, en dépit de la concurrence d’Amazon.
Le monde des spectacles et du cinéma est en détresse respiratoire car la jauge autorisée rend difficile la bonne exploitation des lieux et interroge la rentabilité de l’ouverture. Et pourtant, il faut persister, jusqu’à ce que les clients aient envie de revenir vers le vivant, sans l’intermédiaire du digital.
Le divertissement est en état de quasi mort cérébrale ; les évènements sont devenus des web évènements avec les limites que cela comporte ; la volatilité de l’attention et au bout du compte, la lassitude de regarder inlassablement un écran, d’entendre des voix avec une interaction inexistante, sinon trop encadrée, mais peu stimulante et qui produit inévitablement de l’ennui.
Tout se passe derrière l’écran ; ce nouveau standard de distanciation sociale appauvrit beaucoup de choses et oblige à tendre vers l’arc de l’excellence, sans concession.
Sur ce terrain, il y a Instagram pour divertir les gens qui font de leur vie un divertissement ; il y a aussi Netflix, cette plateforme qui crée un univers sans publicité pour tuer le temps, cultiver ou divertir avec des créations originales venant du monde entier.
L’enjeu sera clairement de revenir vers le vivant, avec d’autres paradigmes, de nouveaux modèles économiques pour faire face à une prochaine fois, dont on peut parier qu’elle arrivera, mais pas seulement ; il s’agira de capturer à nouveau le désir des clients pour les reconquérir durablement, mais en gardant en tête que ce virus a installé de manière certaine et profonde l’hybridation de la consommation.
La transformation est désormais une injonction pour la culture ; demander aux gens de revenir ne sera pas suffisant. Il faudra imaginer, créer avec une capacité à penser contre les habitudes pour questionner l’excellence de la proposition de valeur artistique afin de renouer avec la joie, la fureur d’une ambition folle et créative, de même que la volonté farouche de nous divertir, en acceptant que la culture n'est pas un devoir, mais un choix, une aspiration née d’une séduction.
Le devoir du monde de la culture sera donc de nous faire la cour avec imagination pour nous donner envie de (re)tomber amoureux et redorer ainsi l’image de l’exception culturelle française.
Nicole Degbo
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La Cabrik est une fabrik de gouvernance stratégique et humaine qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.