Le monde en 2040
Code rouge | Fragmentations 1/3
Édito — il y a 2 années
❛Souvent les gens ne veulent pas voir ou entendre la vérité parce qu'ils ne veulent pas que leurs illusions soient détruites.❜ Friedrich Nietzsche
Nous en sommes là ; la covid-19 est une répétition générale qui dessine d’ores et déjà les fractures de la société, et plus largement du monde. Alors deux questions devraient nous tarauder : Comment penser le long terme ? Sommes-nous à la hauteur ?
Une répétition générale
L’impact de la covid-19 est planétaire : d’une pandémie, aux confinements, jusqu’à la mort ; il y a désormais au bas mot, plus de 5 millions de morts de ce virus pour lequel nous ignorons encore aujourd’hui le patient 0. La gestion de cette crise sanitaire est une épreuve mondiale qui met à rude épreuve notre rapport à la mort, notre santé mentale, nos économies, nos sociétés et nos démocraties.
En France, nous assistons à des débats dont certains sont impensés, jusqu’à la nausée. La fausse information se déguise en opinion et prospère avec une viralité médiatique augmentée par les réseaux sociaux. On mélange philosophie et droit constitutionnel, recherche et science, information et opinion, au point d’embrouiller les esprits les plus fragiles et/ou les moins éclairés et de créer une polarisation des débats qui perturbe le cours déjà anormal des choses.
La covid-19 entraîne mécaniquement un coup d’arrêt de certains progrès sociétaux tels que la lutte contre la pauvreté, la santé, l’égalité pour tous et offre un espace inespéré à des États carnivores qui renforcent leur dessein hégémonique, au nom de leur souveraineté ; ils ne protègent pas, ils contrôlent, identifient et punissent au passage les dissidents réduits au silence.
Cette crise a par ailleurs accéléré la course pour la suprématie technologique, renforçant singulièrement l’axe sino-américain.
Le monde qui vient
À l’évidence, nous regardons plus que jamais un monde à plusieurs vitesses se recomposer sous nos yeux avec des enjeux, notamment géopolitiques, protéiformes. Le monde va devenir de plus en plus complexe et il sera plus que jamais crucial d’informer le plus grand nombre afin que chacun comprenne de quelle manière faire face à ces fragmentations à grande échelle. Aussi, la pédagogie de l’État, des politiques, des journalistes, et même des entreprises sera vitale pour aider les citoyens à comprendre le monde qui vient et s’adapter, au lieu de croire que le repli sera un bouclier efficace.
Il y aura des résistances, mais il sera impératif de les apaiser, de les déconstruire, pour éviter les tensions sociales qui nous font perdre du temps, au lieu de faire ce qu’il y a à faire pour avoir une place de choix dans ce nouveau monde dont la férocité sera d’une cinglante brutalité.
Et la difficulté d’aujourd’hui est précisément de penser dans un temps long, mais en séquençant les transformations inévitables pour répondre aux enjeux du moment. Agir dans une seule logique de court terme est un choix désormais suicidaire, tant nous nous préparons à un changement quasi quantique.
Un nouvel ordre mondial
Nous allons devoir composer avec des paradigmes nouveaux qui obligeront chaque pays à penser dans une logique de mondialisation, même pour résoudre des problèmes domestiques. À l’exception des pays gigantesques et puissants, les autres dont l’Europe devront apprendre à gouverner à l’échelle régionale, et en même temps domestique. Tourner le dos au monde sera un autre suicide.
La démographie, la gouvernance politique, la santé, les technologies, les migrations, le climat, l’ordre commercial mondial, le militaire, la monnaie, etc. : voici autant d’enjeux en pleine fragmentation vers autre chose.
Ces sujets vont mettre à l’épreuve les démocraties. L’émergence d’un nouvel ordre mondial d’une complexité rare va voir surgir des dilemmes tout aussi complexes qui vont inévitablement créer une insécurité culturelle et économique qui va créer à son tour une augmentation significative de la défiance des peuples qui exigeront sous l’influence de la peur plus de nationalisme, plus de protectionnisme, moins d’immigrés, plus d’État, plus de sécurité alors même que les solutions ne peuvent plus s’inscrire dans des schémas aussi simplistes et binaires.
Survivre aux vingt prochaines années va exiger de mettre impérativement l’imagination au pouvoir, en créant des coalitions pour mieux transformer toute la société.
Nicole Degbo
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La Cabrik est une fabrik de gouvernance stratégique et humaine qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.