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Le monde en face
Publications — il y a 9 mois
Nous avons le devoir de regarder le monde tel qu'il est.
Dans plusieurs démocraties, les prochaines élections vont prendre un air de péril ; le monde se heurte à des polycrises et les réponses sont complexes. Alors, la tentation est grande pour les populistes de simplifier et de réduire la politique au rang de business.
Le monde bousculé par une grave relativisation des faits, notamment de la science, devient insensé et nourrit sans ménagement la crise du capitalisme ; tout et n’importe quoi est pointé du doigt, sans la moindre espèce de solutions, pourvu que cela attise la colère. Or, l’équation avec laquelle nous allons devoir composer est triple ; vivre en crise ; dépasser les désillusions ; poser les avions.
Vivre en crise
Le monde est en crise et il n’est pas rare d’entendre ici ou là des politiques dépeindre une réalité fictionnelle dans le désir d’entretenir la dangereuse illusion qu’il serait possible de plier le monde à notre volonté. Cette tactique politicienne est paresseuse car elle charge les passions tristes pour les retourner contre les Nations ; et le monde continue de se fracturer sous le jougs de la violence, de la corruption, du racisme, du repli communautaire et du désir de domination économique et militaire de ceux qui en ont les moyens.
Ces affres de la société sont ensuite débattus et feuilletonnés dans les médias, sondages à l’appui, sans se sentir gênés de manipuler les foules, réveillant ainsi les bas instincts.
Le cynisme épais est à l’agenda alors même qu’il nous faudra collectivement apprendre à composer avec l’adversité quasi quotidienne pour supporter le choc des visions du monde.
Nous allons devoir vivre avec agilité pour redéfinir les règles du jeu, mais lesquelles ? Le monde se diffracte à toute allure ; la dissuasion militaire a perdu de sa superbe et la mondialisation est plus globale que jamais ; les enjeux sont interconnectés et installent la loi du plus fort en termes d’innovation, de technologie, de métaux précieux et, bien-sûr, la dette crée des tensions ou des équilibres selon le côté du globe.
Le monde fait face à cinquante-cinq conflits actifs dont certains offrent des possibilités d’embrasement au moins régional, tandis qu’un rapport plus transactionnel à la diplomatie achève de déstabiliser la relative paix de l’Occident. Et clairement, ces fragilités poussent les peuples à trouver refuge dans l’exil, redessinnent la démographie et provoquent la panique des pays d’accueil par effraction.
Dépasser les désillusions
Le repli identitaire devient alors une réponse facile aux multiples fractures laissées sans réponse. Les instincts de protection se durcissent alors même que le spectre de la solidarité se réduit, au risque de nous transformer en témoins insensibles des tragédies du monde.
Il va sans dire que parmi les solutions, regarder le monde en face et penser contre nous-mêmes seront des armes de réflexion massive pour juguler les peurs et les angoisses qui ne cessent de fracturer les vies, notamment celles des existences modestes.
Le défis des démocraties est de s’attacher à convoquer les plus nobles émotions pour réenchanter les espoirs et les rêves, en canalisant la colère.
Les politiques vont devoir redoubler d’imagination pour que les gens trouvent la force de réinvestir le fil du changement plutôt que de se convaincre qu’il est un luxe désormais inatteignable.
Toutes les parties prenantes ont la responsabilité de lutter contre le ressentiment et, offrir ainsi au plus grand nombre, un écrin décent pour exister et être entendu dans son identité, et mieux encore dans sa singularité.
C’est un chemin difficile et inévitable si nous voulons d’ores et déjà poser les ferments d’une santé mentale plus solide, moins exposée à tous les vents et susceptible de porter mieux les espoirs d’une vie possible, en dépit d’un monde en recomposition dont les règles seront aussi incertaines qu’hybrides.
Les uns et les autres vont devoir apprendre à fabriquer des pistes assez larges pour poser les avions. Nous évoluons vers l’ère des solutions créatives et circulaires pour tenter de bâtir des réponses apaisantes, à défaut d’être durables.
Poser les avions
Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion sur le long terme intégrant les enjeux technologiques, économiques, environnementaux, sociaux, géopolitiques et militaires car seule l’épaisseur de notre vison sera en mesure de nous aider à piloter avec intelligence et agilité notre soft power mondial.
Nous allons devoir diriger avec la temporalité des pôles géographiques pour adresser la bonne stratégie et tactiques associées. Et cela suppose de croire en nous, d’avoir foi en notre pays pour aller au devant des risques utiles.
Réinventer nos vies derrière l’économie et, de manière générale, tous ces défis, va impliquer de manier des instruments de gouvernance et d’expertise pour imaginer des solutions audacieuses susceptibles d’impulser une régulation ambitieuse pour forcer les acteurs à innover.
Il y a urgence à construire un nouveau narratif collectif auquel les récits singuliers pourront s’adosser pour irriguer à nouveau les forces motrices du changement et tourner ainsi le dos à la peur, au ressentiment et au pessimisme, bras armés du cynisme qui s’agrippe au nationalisme, croyant échapper au monde.
Il n’y a pas de temps à perdre. Le monde tel qu’il est nous fait l’effet d’une corde raide à laquelle nous nous devons d’échapper pour embrasser l’avenir avec lucidité et confiance.
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La Cabrik est une fabrik de gouvernance stratégique et humaine qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.