Gouvernance tour
Le code doit changer (V)
Publications — il y a 1 année
❛Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit.❜ Khalil Gibran
À travers chaque échange de la « Gouvernance Tour », je ne cesse de constater la même chose quel que soit le secteur d’activité : des dirigeants intelligents, volontaires et avec de bonnes idées. Cependant, eux-mêmes s’étonnent de leur impact mineur dans la gouvernance de leur entreprise. J’en viens à me dire que le problème n’est donc pas individuel, mais collectif. Cela a à voir avec la manière dont les individus interagissent ensemble et s’influencent avec discipline ou non, courage ou non, exigence ou non. Mais surtout, cela pose l’évidence d’un nouveau modèle de gouvernance humaine à bâtir, non seulement pour le bien commun, mais pour la croissance des entreprises.
Je(u) toxique
Il y a une fracture évidente liée au genre ; la manière dont les hommes et les femmes entrevoient le travail, son impact et son efficacité. Force est de constater que les attendus ne sont pas les mêmes. Cela crée structurellement un problème d’alignement qui n’a l’air de rien comme cela, mais qui, en réalité, a un coût très élevé.
Commençons par le rapport à l’ambition ; quelles sont les choses qui nous animent ? Quelles sont les raisons pour lesquels les uns et les autres veulent gagner en responsabilité ? Est-ce pour faire, construire, créer un impact ou avoir seulement plus de pouvoir pour influencer et assurer ainsi une emprise sur son environnement ?
Les réponses à cette question ne peuvent pas être binaires car le sujet est complexe ; l’enjeu se situe au-delà des individus, c’est-à-dire sur un plan collectif et raconte la manière dont chacun est prêt ou pas à renoncer à la motivation de départ.
Le sens est majoritairement cité par les femmes comme une préoccupation fondamentale à laquelle il leur est difficile de renoncer. Est-ce à dire que les femmes ne seraient pas intéressées par le pouvoir ? Non, mais cela implique que l’un va difficilement sans l’autre.
Il y a le sens de la mission, mais également l’intelligence de l’organisation. Et malheureusement, beaucoup de femmes racontent avec tristesse et agacement la culture du présentéisme qui tend à dire que les hommes ne sont pas pressés de rentrer chez eux. Or, nous le savons bien, les femmes ou plutôt les mères ont trop souvent la responsabilité du foyer à assumer, en plus de leur métier. Aussi, les notions d’efficacité, de performance et d’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle n’ont pas le même poids. La différence derrière chaque mot impacte le rapport au temps, la pratique des réunions, la nature des débats et l’exercice du pouvoir.
L’objectif de performance est élargi de manière exigeante à sa dimension qualitative afin de travailler le mieux possible, en perdant le moins de temps possible ; et cela implique de décider à chaque fois que cela est possible plutôt que de palabrer ou de nourrir les atermoiements. Souvent discriminée dans l’histoire, les femmes sont également plus sensibles aux enjeux d’inclusion, même si, à l’exception du genre qui avance grâce au secours de la loi, les autres facteurs de discrimination progressent à un rythme tout à fait modéré.
Le défi serait donc d’analyser les habitudes entropiques pour aller de manière concertée vers un modèle plus vertueux.
Nouveau modèle
Le « Women Matter » 2017 de McKinsey & Company évoque les aspirations des femmes et les sujets sont plus immatériels. Ils parlent de choses visibles dans le temps qui acteraient leur utilité.
La question de l’apprentissage nourrie par la stimulation intellectuelle et la transmission à travers le mentoring et l’identification de role models est clef ; et le sérieux de ces leviers doit s’incarner dans le développement des compétences des personnes et par capillarité de leur carrière.
Les femmes aiment comprendre à quel projet elles sont associées pour mieux identifier ce qu’elles peuvent être en mesure de donner. La notion de contribution est importante et pour cela, les sources d’inspiration sont essentielles. Le leadership des dirigeants est ainsi déterminant dans la démonstration de leur vision, mais également de leur style d’exécution et des détails sur lesquels ils choisiront de mettre l’accent. Cela influence naturellement la prise de décision ; cela questionne, de fait, les sempiternelles réunions pour discussion vs action.
Les femmes aiment agir pour faire avancer les projets et se préoccupent plus facilement de l’impact de leurs actions et décisions plutôt que de leur image. Le savoir-faire est un point de questionnement fréquent, aux dépens du faire-savoir. Cela ne signifie pas que les femmes manquent d’habileté à communiquer, mais juste que le jeu politique et la communication qui va avec ne sont pas une priorité car au bout du compte, ce qui devrait être jugé est l’avancement des dossiers.
C’est un point sur lequel tout le monde devrait se mettre d’accord car la qualité de travail et le temps gagnés avec ces ajustements de pratiques pourraient libérer l’imagination, l’innovation et favoriser la croissance des organisations de manière significative. Et cela, aurait, à l’évidence, un impact sur l’emploi, même si la tech influencera de plus en plus la tension des équilibres.
Le défi des entreprises n’est donc pas juste d’intégrer plus de femmes, mais de comprendre enfin ce que l’inclusion veut dire pour adopter des meilleures pratiques qui ne feraient plus fuir les femmes ou tout autre talent épuisé de constater une entropie que les parties prenantes refusent de réparer.
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Nicole Degbo
La "gouvernance tour" poursuit son voyage... Merci aux grands témoins d'hier, d'aujourd'hui et de demain !