Communication
Le botox : un bouclier humain
Publications — il y a 6 années
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Pourquoi troquer un visage de chair pour un visage de verre ?
L’intelligence émotionnelle est cet art d’être humain, pleinement humain.
C’est ce qui nous met à la portée des autres, au-delà de l’intelligence rationnelle. C’est un pouls vivant, un hommage vibrant à une forme de sensibilité qui nous permet d’observer, de comprendre, d’écouter et d’interroger ; c'est être avec l’autre, le monde et au fond soi-même.
L'émotion répond à l'interaction. L’observable trouve un refuge direct et évident dans le visage et plus encore dans les expressions du visage : un front qui plisse, une fossette qui s’anime, des pâtes d’oies qui dansent, des yeux rieurs, des ridules et des rides. C'est le visage d'une vie qui s'exprime en lien avec l'histoire de vie et le visage est le témoin du surgissement d’une émotion : la colère, la tristesse, la peur, le plaisir, la surprise, le dégoût, la honte, le mépris et l’amour.
Une variation d’émotions sur la toile de notre visage et du reste ; seulement, cette expression est empêchée par l’acide botulique dit botox. Le botox emprisonne les émotions et nuit à l’interaction, en créant un étrange décalage entre le dire et le sentir, entre l’expression orale et l’expression physique, entre le son et l’image et, clairement, c’est perturbant.
Cette perte d’humain oblige l’interlocuteur à sonder avec plus de concentration le visage, au détriment de l’écoute et donc de la qualité de l’interaction. Cette quête de vivant se transforme en chasse au trésor ; l’oeil traque ou du moins essaie de traquer le moindre signe qui trahirait la vérité émotionnelle de l’instant. Cela devient une étrange devinette qui consiste à identifier ce qui relève de l’authentique ou de l’artifice.
Le botox fait donc au moins deux victimes : celle dont il colonise le visage et celle(s) qui se trouve(nt) aux prises avec ce visage de verre qui n’exprime plus rien ; juste une jeunesse en trompe-l'oeil, lisse, en décalage avec les autres membres du corps qui témoignent inévitablement du temps qui passe : les mains, le cou, les articulations qui alourdissent plus ou moins le pas.
Ainsi, cette quête de jouvence a mille prétextes, mais ce qu’elle abîme le plus, ce sont les liens humains. C’est le naturel d’une réaction, la spontanéité d’une expression, c’est le trouble d’une émotion. Le botox vole cela et fait porter un lourd tribut à cette intelligence de la vie qui prend diverses formes, mais s’amplifie sous le rayonnement de l’intelligence émotionnelle qui célèbre l’humain en partage et trouve un refuge dans le visage ; le botox pille cette part d'humain qui donne toute sa puissance à l'humain précisément.