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Danone - Emmanuel Faber - Gouvernance - Entreprise à mission - purpose - Pouvoir - Actionnaires - Croissance - Durabilité - Fonds d'investissement -

Danone

Des corps impatients

Actualités — il y a 2 années

Blizzard sur la mission.

Échec et mat

Le départ d’Emmanuel Faber illustre à merveille l’expression : « léché, lâché, lynché » ; même si, dans La Croix de ce jour, on pouvait y lire : "Emmanuel Faber n’est pas un saint ou un martyr. Il est connu pour être dur en affaires et d’une exigence extrême envers ses collaborateurs." 

En creux, Emmanuel Faber est décrit partout comme un patron humaniste et sans pitié, les deux à la fois ; il est vécu comme une sorte de Janus soit un orateur inspirant pour les foules et "un bosseur acharné, brillant intellectuellement, mais réputé froid, et adepte d’un management solitaire" selon un article du Monde.  

 

Un visionnaire humaniste 

Emmanuel Faber était en 2017 adoubé par Franck Riboud comme l’homme de la situation pour reprendre le flambeau de Président-Directeur Général avec l’ardente responsabilité de concilier un devoir d’utopie avec un devoir de pragmatisme pour faire entrer le Groupe dans le XXIè siècle et construire l’avenir de l’après-lait. 

Faire cela implique de voir loin, de transformer tambour battant et, en même temps, à la faveur du chronos et du kairos pour ne pas heurter les âmes sensibles que peuvent être les salariés, les actionnaires et les syndicats pour des raisons somme toute assez différentes. 

Les salariés veulent continuer de nourrir la fierté d’appartenance, les actionnaires veulent voir les bénéfices de leurs investissements et les syndicats veillent à la paix sociale de l’entreprise qui passe notamment par le bien-être des collaborateurs soit une harmonie mise à mal quand les nuages gris restent stockés dans le ciel. 

Avant le COVID, le plan de transformation pour évoluer vers un nouveau modèle durable basé sur une dynamique locale était estimé à 2 milliards d’euros. 

 

Le point de bascule  

Le COVID a conjugué étrangement 2 paradoxes.

La fin du premier confinement voit le conseil d’administration adopter à l’unanimité le statut d’entreprise à mission pour le Groupe ; seulement, le COVID dure, s’installe et met à rude épreuve les nerfs et les bénéfices. 

Le plan de transformation ambitieux se retourne alors contre Emmanuel Faber qui doit consentir à faire un geste pour apaiser les actionnaires. Sans renoncer à son objectif fondamental, il construit un plan de réduction de coûts à 1 milliard d’euros articulé autour d’une organisation par pays qui augure la suppression de près de 2 000 personnes dans le monde dont 500 en France, en déstabilisant par ailleurs différentes strates managériales dont l’engagement dévisse à un moment où les esprits sont déjà fragilisés. 

Est-ce un manque d’intelligence émotionnelle ou la pression du réel ? Emmanuel Faber garde le cap et fait cohabiter deux agendas qui s’entrechoquent. Il continue le pivot vers un modèle écologiquement durable tout en brutalisant les hommes, en commençant par lui-même, au nom du capital. 

Les interviews qu’il donne à cette époque montre un homme disloqué, mais acculé ; il n’appuie pas sur pause et continue d’avancer, sans sentir le vent tourner au moment clef. Il voit trop tard que son sort est scellé et ses dernières initiatives pour maintenir son pouvoir installent un bras de fer sans retour. 

 

Le départ 

Sous la pression de deux fonds activistes, le conseil d’administration acte le départ d’Emmanuel Faber au motif que sa stratégie de transformation durable pour assurer l’avenir a, en même temps, trop négligé le présent en sous-investissant notamment dans l’innovation et le marketing. 

Le groupe voulait donc un dirigeant qui n’existe pas ; les actionnaires voulaient un dirigeant suffisamment solide et courageux pour entreprendre des réformes de fond qui bousculent l’entreprise en profondeur pour inventer l’agroalimentaire de demain et, en même temps, un patron humain au sens protecteur, exigeant, mais pas brutal, au four et au moulin. 

 

L’ambition radicale 

C’est oublier qu’inventer un nouveau modèle de croissance pour un groupe aussi géant que Danone demande de la force, de la radicalité et de la détermination. La main ne doit pas trembler. Et y ajouter, une couche supérieure de complexité avec un impact social gravé dans la constitution de l’entreprise demande une habileté d’équilibriste. 

L’homme n’était pas parfait, mais il était radical ; l’homme n’était pas parfait, mais il était inspirant ; l’homme n’était pas parfait, mais il était exemplaire de par sa force de travail, son ambition pour l’entreprise et son courage à faire des choses difficiles. 

 

Un homme derrière l’armure 

Le dirigeant Faber n’a pas reculé ; il a continué son ascension sur un chemin que peu de dirigeants prennent de peur de perdre leur pouvoir. Il a agi en responsable et en dirigeant, mais ce n’était pas suffisant. Après une aventure de plus de 20 ans, il quitte l’entreprise de manière brutale, humilié de n’avoir même pas pu négocier la séquence de son départ à effet immédiat. 

Certains seront soulagés, d’autres le regrettent déjà ; mais tous verront sans doute, à terme, le chemin de crête qui était le sien pour réussir à aligner des corps impatients. 

 

Un engagement durable 

L’entreprise Danone montre ici un visage peu sympathique, en dépit des griefs soulignés. Elle murmure qu’un dévouement qui confine presqu’au sacerdoce ne protège pas d’une fin infamante. Elle va cependant devoir prouver aux consommateurs que l’ère des deux pas en arrière n’est pas au programme et que la chansonnette du "purpose" n’est pas remisée à la cave. 

Quel profil idoine pour remplacer Emmanuel Faber ? La réponse à cette question nous mettra sur la piste de la rentabilité ou de la durabilité. 

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Le futur appartient à ceux qui voient les possibilités avant qu'elles ne deviennent évidentes.

Theodore Levitt