Gouvernance tour
50 nuances de travail (II)
Publications — il y a 4 années
Temps de lecture: 3 minutes
Pourquoi tout est si compliqué ?
Dans le cadre de la gouvernance tour, je rencontre des gens passionnants. Ils parlent avec force du travail et placent très souvent l’humain au cœur du système. Les propos sont articulés et l’expérience est incarnée. Très souvent, je me demande pourquoi ça déraille ? Pour quelles raisons tous ces gens intelligents produisent collectivement des environnements qui portent atteinte à la santé mentale des collaborateurs ?
Travail
Pour commencer, le sens du travail est pluriel. Certains parlent de sens, d’autres d’utilité, de réalisation personnelle, d’émulation intellectuelle et/ou de plaisir et de joie.
Nous pourrions imaginer qu’à un certain niveau de responsabilités, la passion prédomine, mais la réalité est plus trouble. Je rencontre des gens intéressés par leur travail et soucieux de créer un impact, mais je rencontre peu de gens passionnés. Ceux-là flottent, ils sont puissants de leur passion communicative ; ils parlent de leur métier avec poésie et entraînent des salariés inspirés dans leur sillage. Tout semble plus simple : la vie, la transformation, l’organisation. Comme si la passion galvanisait les travailleurs et résolvait un grand nombre de dysfonctionnements car tout le monde est engagé, impliqué et désireux de voir l’entreprise grandir.
Est-ce à dire que pour les autres, c’est différent ? La réalité est plus complexe car globalement, les salariés sont consciencieux, parfois enthousiastes, souvent impliqués, en dépit d’un désengagement croissant. Mais, est-ce un désengagement vis-à-vis de leur travail ou de leur entreprise ? C’est l’un ou l’autre, parfois les deux. Comment cela peut-il arrivé ? Naturellement pas sans crier gare car il y a très souvent des signes avant-coureurs. Prenons la diffraction de la responsabilité individuelle et collective : beaucoup pointent du doigt des frontières floues ; ils soulignent une défausse de responsabilité alimentée par un système fluctuant qui ne définit pas assez clairement la responsabilité de chacun ; aussi, l’équation est naturellement complexe entre le rôle de contributeur et celui d’exécutant.
Transformation
Le trouble du travail joue de fait un rôle perturbateur dans la définition du plan stratégique avec inévitablement au centre, le défi de transformation.
Et la question de la disruption n’est pas loin. Elle occupe les esprits, mais de manière non homogène. Certains secteurs et/ou métiers s’y prêtent plus que d’autres, même si tout le monde tombe d’accord pour acter l’influence des data dans la personnalisation de la relation client. Cependant, aux yeux de la plupart, la digitalisation est importante à appréhender pour faire face au risque de disruption, mais la majorité tombe d’accord pour donner sa juste place à l’humain ; il s’agit de trouver de quelle manière l’homme sera difficilement remplaçable et ce n’est pas un vœu pieux. Le défi est d’accompagner chaque individu à créer de la valeur, une valeur singulière, tout en explorant les différentes hypothèses pour identifier le modèle de demain.
(Vers) quel modèle est la question fondamentale. Chaque dirigeant sait que c’est la question à laquelle il lui faudra trouver une réponse pour assurer la pérennité de leur entreprise. Chaque salarié se demande si les dirigeants sauront guider l’entreprise sur le bon chemin pour la réinventer de manière solide et, en même temps, vertueuse.
Peu de gens se projettent dans un schéma de rupture ; beaucoup pensent qu’à force de transformation incrémentale, l’entreprise finira par accoucher de son modèle absolu.
Organisation
Sachant que l’organisation est un levier accélérateur ou décélérateur de transformation, le sujet est vivant. L’environnement de travail a besoin de gagner en agilité réflexive et décisionnelle ; tout le monde en est conscient, mais comment faire ?
La question des processus compte inévitablement parmi les enjeux. Et les questions obligent à une réflexion dense. Quelle est la valeur d’un processus ? À quel endroit est-il structurant vs. inutile ? Le sujet est essentiel, mais il semble que finalement la lourdeur des processus est très souvent un prétexte car il apparait que ce n’est pas son épaisseur qui pose problème, mais l’usage qui en est fait par les uns et par les autres. Le sujet est comment l’intelligence du travail a glissé pour se perdre dans les limbes de l’absurde. Quelle place pour la confiance en entreprise ? Quelle est le pouvoir des responsabilités accordées à chacun ? Quelle est la valeur du mécanisme de transmission des savoirs ? Et quel mécanisme de contrôle est mis en place pour assurer le bon fonctionnement de la mécanique du travail ?
Ces sujets sont clairement des enjeux de gouvernance, mais il n’est pas faux de dire qu’au gré du temps, penser la gouvernance n’a plus été une priorité, au profit de l’instant, mais aux dépens de la stabilité et du futur de l’entreprise. Et même si le monde change à toute vitesse et que la validité d’un plan stratégique dans le temps est très largement remise en cause, la nécessité d’avoir un cadre général ne se dément pas car le collectif a besoin d’avoir en partage un rêve commun.
People
Cette négligence de la gouvernance a un impact direct sur l’entreprise et sa maîtrise du potentiel collectif. Elle sait qu’elle a des gens de valeur, mais elle manque de dispositifs structurants ; les schémas en vigueur sont plus empiriques qu’objectifs. Aussi, le potentiel collectif est mal maîtrisé.
L’idée serait qu’il soit connu et qu’en dépit de cela, les équipes dirigeantes affirment méconnaître le potentiel en mutation continue des collaborateurs. Mais, nous en sommes loin car trop souvent les équipes se sentent bridées ; elles manquent d’un cadre leur offrant une confiance véritable et dont l’aboutissement serait un partage équilibré et judicieux du pouvoir et des responsabilités.
C’est donc tout naturellement que la problématique des talents se pose. Les modèles mis en place laissent peu de place au feedback, pilier du progrès professionnel. Aussi, les talents en manque de repères laissent leur esprit s’égarer ici ou là, puis finalement à l’extérieur. Bien entendu, les grandes organisations ont des top 100 ou 200, mais est-ce bien suffisant ? À l’évidence, la réponse est non.
Et, au milieu de tout ces nœuds, une fonction essentielle est trop souvent absente des échanges : la direction des ressources humaines. Comment l’expliquons-nous ?
La transformation et le travail : deux sujets qui posent débat ; des confidences qui témoignent de la difficulté à résoudre cette équation.
La "gouvernance tour" poursuit son chemin… Merci aux grands témoins d’hier, d’aujourd’hui et de demain !