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Capitalisme - Politique - Nouveau modèle - Economie - Reset - Entreprise -

Société

Vers un autre capitalisme ?

Édito — il y a 4 années

Nous devons passer de l’énoncé au réalisé.

"L’effondrement est déjà là" disait récemment Cynthia Fleury à l’occasion du Monde Festival. L’effondrement de la Cité, de ce qui crée le commun ; l’effondrement citoyen, l’effondrement moral, jusqu’à l’économie. Les entreprises ont peur de manquer de temps, d’imagination et d’argent pour réinventer un modèle économique - et social - viable avant d’être disrupté par la réglementation, la concurrence ou tout simplement un système à bout de souffle qui poursuit inexorablement sa course, tel un robot fou que personne ne saurait débranché. 

Alors, le capitalisme peut-il être responsable ? Cette question envahit désormais l’espace médiatique et réflexif. Ce sera bientôt à quelque chose près le thème du 6ème sommet de l’économie organisé par Challenges : "réinitialiser le capitalisme". C’est encore Les Échos de ce jour fabriqué par "la relève" et dont la tonalité donne un écho certain à la révolte et à l’espoir, celui d’aller vers une société soucieuse de son impact positif. C’était aussi le thème de la 16ème édition des Entretiens de Royaumont.

Un grand nombre d’intervenants ont exprimé leurs opinions sur un grand nombre de sujets ; ils racontaient leurs réflexions, leurs décisions et/ou leurs actions pour contribuer à bâtir un capitalisme plus vertueux. 

Ce qu’il faut retenir est encourageant, mais insuffisant ; la bonne nouvelle est que le nécessaire pivot responsable du capitalisme est dans toutes les têtes. De plus en plus de dirigeants comprennent que le moment est différent et imaginent, sinon produisent des raisons de croire concrètes.

Le changement prend hélas du temps et le sujet est complexe : comment faire pivoter un modèle économique sans déstabiliser trop fort la croissance ? Comment adresser un virage à 360° pour réduire les externalités négatives ? Comment trouver le bon équilibre entre l’économie et l’humain, l’économie et la planète ? Doit-on sacrifier le profit au bénéfice d’un modèle d’impact ? Est-ce obligé ? "Ce n’est pas simple de faire, de changer, de gouverner avec ces nouveaux paradigmes, mais il faut le faire" disait encore Pascal Demurger à Royaumont. 

Ces questions ont de quoi donné la migraine car les dirigeants sont trop souvent jugés à l’aune de leur performance du court terme ; à chaque trimestre ses menaces, ses encouragements ou ses félicitations. 

Mais, ce qui est étrange, c’est que personne ne parle vraiment de la transformation fondamentale des marchés financiers. Les uns et les autres évoquent leur nouvelle politique d’allocation d’actifs en respectant des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), mais peu de personnes se risquent à affirmer que la bourse doit changer de moteur. Nous le voyons bien, la bourse n’est pas vertueuse. Elle récompense religieusement les comportements déviants du moment que la perspective de gains futurs à la hausse est confirmée ou prédictible. 

Ainsi, changer de modèle pour une entreprise cotée est un jeu d’équilibriste entre la performance et le bien commun.

Alors, nous devons impulser une transformation de fond, en allant vite, tout en sachant que la "lenteur" est inévitable pour entraîner des résultats durables.

Et personne ne peut croire que les entreprises, a fortiori les grands groupes, ou les ETI/PME vont provoquer un grand mouvement de décotation pour convaincre les marchés financiers d’intégrer de nouveaux paradigmes, plus justes, humainement cohérents. 

De plus, au-delà des beaux discours, il faut encore que les entreprises qui ont une activité à l’international respectent des normes exigeantes plutôt que de s’aligner sur les standards locaux. En effet, manquer de responsabilité à l’étranger, tout en affirmant avoir une gouvernance responsable sur notre marché domestique n’est précisément pas un comportement responsable. 

Le capitalisme fonde sa crédibilité sur une très grande cohérence responsable pour être durable. Aller vers ce chemin, c’est diriger en s’appuyant sur des valeurs fortes. 

Notre lucidité permet de dire que l’atteinte d’objectifs (trop ou mal) ambitieux n’est pas le seul argument pour justifier les déviances du capitalisme. Nous devons nous regarder en face et acter que nos histoires de vie ont une influence sur le cours des choses. Certains ont des comptes à régler avec l’existence et s’évertuent à aller toujours plus loin et plus haut au mépris de tout, y compris d’eux-mêmes. D’autres ont un ego fragile, un statut social à conserver, une adrénaline à soigner, une férocité à entretenir. La liste pourrait se dérouler à l’infini jusqu’à la peur de tout perdre qui est souvent mauvaise conseillère. 

Il va sans dire que nos névroses s’invitent autour de la table pour pousser dans une direction ou dans une autre. Alors gouverner de manière responsable exige également, voire surtout, de convoquer nos valeurs autour de la table. Le bien commun devrait être une inclination naturelle qui interroge la responsabilité de chaque dirigeant et de nous tous. Or, il n’en est rien. Chacun fait ce qu’il veut ou comme il peut. Mais ne serait-ce pas plus simple de réinvestir le champ de la gouvernance stratégique et humaine pour penser le commun en convoquant notamment le courage, l’intégrité, le respect, la générosité, la curiosité, le partage, l’inclusion, la culture du soin, jusqu’aux plus vulnérables ? Ne serait-ce pas le bon moment pour penser contre nous-mêmes avec humilité et ouverture vers l’inconnu, vers l’autre ou ce qui est autre ? 

Et si changer n’était pas si difficile ? Oui, et si changer n’était en fait qu’une manière de diriger avec conscience et cœur, sans exclure toute ambition économique, bien au contraire ? Et si nous touchions là aux fondamentaux de l’humanisme économique ? Alors, demandons-nous si faire cela est à ce point difficile ? Interrogeons mieux nos faiblesses et nos vertus pour construire un leadership collectif qui fera l’effet d’un tremblement de terre pour changer enfin notre monde. 

Nous devons faire la révolution dans nos entreprises et dans nos vies. Nous devons vouloir de toutes nos forces changer la société pour préserver notre humanité sur la terre. Notre charge est lourde, mais elle est passionnante. Nous devons seulement rêver chaque jour d’un autre monde où dansent les ombres du monde. 

De battre nos cœurs pourront-ils nous réveiller ? Réussir ce défi exigera toutes les volontés. Nous devons bien-sûr nous appuyer sur notre raison et notre émotion, puisqu’il est établi qu’elles sont intimement liées. Mais plus encore, il faut que nos cœurs s’en mêlent car nous avons l’impératif devoir de tenir sur la durée avec une action de fond, articulée, intelligente, puissante même, créative et non violente. Nous devons embarquer les uns et les autres, sans détruire les biens des uns et des autres, sans basculer dans une dictature de la pensée ; nous devons collectivement nous livrer à un grand exercice de pédagogie pour faire vivre le changement ; nous devons être dans l’état mental et émotionnel qui préside à la fin d’une guerre, soit l’urgence de reconstruire qui dit à voix haute : "plus jamais ça !" Plus que des mots, ce sont des actes dont nous avons besoin.  

 

Depuis 2016, La Cabrik pense, dialogue, pose question à tout et bouscule la pensée et la pratique du système avec ses clients, et au-delà, pour inventer de nouveaux modèles économiques et sociaux. Le cœur du sujet de La Cabrik est le travail et l’humain au sein des systèmes économiques car tout se tient. Et nous pouvons affirmer que les difficultés du réel sont bien réelles.

Impulser un changement responsable, au-delà des mots est une entreprise aussi difficile qu’immense. D’abord les entreprises convoquent - par réflexe, par fidélité ou par conformisme - les mêmes acteurs pour déconstruire un changement qu’ils avaient alors imaginé eux-mêmes, ensemble. Ils convoquent ces mêmes parties prenantes qui ont trop souvent proposé des modèles au mépris de l’humain, pas nécessairement par mépris, mais sans y penser vraiment. Or, l’humain n’est précisément pas une commodité. 

Ensuite le frein est mental, avant d’être culturel, puis il devient celui du contrôle, du lâcher-prise nécessaire pour aller vers de nouveaux chemins. Enfin, il y a l’attentisme parce qu’en dépit de tout, l’urgence apparaît virtuelle, la temporisation au prétexte de ne pas trop bousculer les équipes est légion et le courage en hibernation est cruel ; les évitements pour ne pas agir sont un lot quotidien contre lequel nous devons lutter mieux, plus fort pour réussir ce changement qu’il nous est interdit d’échouer. 

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Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de trouver sa mesure profonde.

Albert Camus