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Travail - Formation - Compétences - Gouvernance - DRH

Loi n°2018 - 771 du 5 Septembre 2018

Loi Travail II : Individualisation ou Individuation ?

Édito — il y a 5 années

Temps de lecture: 3 minutes

La vie est faite de choix alors le gouvernement nous dit : "en marche !". L’individu et son épanouissement ne dépendraient plus seulement de l’entreprise ; c’est désormais un partage de responsabilité.

La réforme du droit du travail acte II met l'individu au centre. Elle donne le "la" et intime l'ordre aux salariés de se mettre en mouvement. Elle organise un cadre protégé, mais invite l'ensemble des parties prenantes à prendre leurs responsabilités ; l'entreprise, en poursuivant son devoir de développement des collaborateurs ; le salarié, en l'encourageant à se saisir des nouvelles opportunités qui s'offrent à lui ; l'État, en embuscade, pour protéger les abus de droit des uns ou des autres et, au centre, les partenaires sociaux qui peuvent accompagner l'écosystème à mettre cette nouvelle partition en musique. 

Apporter une réponse au chômage de masse et en même temps offrir de la respiration aux individus pour leur donner une chance de peut-être réaliser leurs rêves, voilà de quoi il est question. Ce droit de choisir, de piloter son apprentissage, en tenant compte de ses appétences, de ses frustrations, mais aussi de ses audaces, s'offrant ainsi parfois l'opportunité de rectifier le tir d'une carrière mal orientée, est une mini-révolution. Elle met l'individu au centre et le propulse acteur de son orientation professionnelle. Elle incite chacun à se donner les moyens de trouver sa voie. 

Mais n'était-ce pas déjà le cas ? N'est-il pas curieux qu'il faille une loi pour que chacun décide enfin de se mobiliser pour trouver sa voie ? Est-ce si simple ? Pas sûr... non, pas sûr du tout même, car cette affaire est en réalité complexe. La durée moyenne d'ancienneté à un poste est de 160 mois ! 160 mois, soit 13 ans au même poste ; une moyenne plutôt élevée en Europe et bien entendu variable selon la catégorie socioprofessionnelle des individus. Chez les cadres supérieurs et les dirigeants, la moyenne est de 3 à 5 ans. 

La mobilité est une évidence, car il s'agit d'avoir un parcours professionnel tonique qui incarne une ambition, une ascension et in fine une reconnaissance sociale. Cette catégorie de salariés se sent sans doute et d'ailleurs peu concernée par ce nouveau dispositif, car l'entreprise se plie souvent en 4 pour la fidéliser ; elle se montre particulièrement attentive à ses souhaits de formation pour compenser des frustrations de mobilité interne et/ou de salaire, mais aussi pour développer les hauts potentiels et concrétiser ainsi leur potentiel. 

Cette nouvelle donne concerne donc les autres, les individus plutôt délaissés par les entreprises qui bénéficiaient souvent de formations réglementaires, sans lien direct avec leurs aspirations personnelles ; le véritable enjeu est de créer un postulat de confiance pour que le plus grand nombre aspire au développement, à l'apprentissage, à la mobilité et acte le fait que leur destin est entre leurs mains. 

Cette réforme qui ne fait pas encore de bruit, car elle est tournée vers la formation est une vraie transformation systémique. Elle met ses pas dans l'idée que chacun peut presque "devenir qui il est", en faisant les bons choix, mais aussi les sacrifices nécessaires. L'individu et son épanouissement ne dépendraient plus seulement de l'entreprise ; c'est désormais un partage de responsabilité. Cette co-responsabilité ne fonctionnera que dans un cadre de mobilité dynamique, des uns et des autres. Chacun doit avoir le réflexe d'interroger son employabilité pour trouver des leviers pour augmenter ses savoirs ; chacun doit analyser l'impact de l'intelligence artificielle sur son environnement, pour comprendre ce qui est menace et ce qui est opportunité. 

Mais l'entreprise aura également sa part de responsabilité ; elle devra agir au-delà de la simple note d’information pour impulser ce mouvement dans son organisation. Comment ? La Direction des Ressources Humaines devra, par exemple, pivoter pour investir sérieusement sa mission fondamentale de développement du capital humain en pensant bien sûr aux orientations stratégiques de leur entreprise, mais en y intégrant les changements, voire des ruptures de paradigmes liés à l'IA. 

Comment avoir la main sur le pivot général et nécessaire des individus tout en réussissant à garder les talents dont toute entreprise a besoin ? Comment lâcher prise sans perdre le contrôle ? Ces questions sont passionnantes, car elles lancent un nouveau défi aux entreprises, notamment à la Direction des Ressources Humaines : la gouvernance de la formation ; tandis qu'un autre défi est lancé aux salariés, celui de la gestion de leur employabilité.

Imaginer l'énergie circulaire de ce nouveau monde peut être passionnant, mais rien ne peut également se produire si chacun s'enferme dans un attentisme passif qui serait alors celui d'attendre et voir ; voir que l'IA progresse sans humains augmentés et gérer ensuite la casse humaine ; voir les talents déséquilibrer de plus en plus le rapport de force avec les entreprises de plus en plus démunies ; voir l'entrepreneuriat continuer d'être une alternative à la mortelle inertie de certaines entreprises ; voir la France décrocher face au reste du monde. Non, la perspective de cet "attendre et voir" serait un chemin mortel qui doit inciter chacun à conquérir la montagne de son individuation. Oui, c'est un pari individuel, mais c'est également une dynamique collective ; 

Mais c'est également choisir de changer de regard pour se dire que cette dynamique plus individuelle peut également être regardée comme un progrès : chacun peut se dire enfin qu'il est aussi responsable de ses choix de vie ; chacun est désormais acteur de ce nouveau pacte social.

Nicole Degbo 

Article publié dans Les Echos, à lire ici

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