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Débat - Société - Dialogue - Médias - Conférence - Journalisme - Pluralisme - Diversité - Angle - Ligne éditoriale - Démocratie - Transformation - Changement - Vérité - Faits -

Transformation

Les codes d'hier

Édito — il y a 2 années

Change wanted.

Comment transformer sans poser correctement les termes du débat ?

Le « monde d’après » était une promesse ou peut-être bien une espérance. La vérité est que depuis le retour à « la vie normale », nous pouvons constater qu’un grand nombre de questions se posent, et c’est heureux, mais avec les mêmes modalités de discussion et c’est un problème.

Qui est allé à une conférence présentielle ou virtuelle a pu constater que les débats sont quasi à l’identique ; des speakers plutôt habituels, une discipline certes de plus en plus visible en faveur de la mixité des genres, une tentative de pluralisme générationnel et toujours les mêmes têtes issues de la diversité des origines. L’entre-soi reste tout de même le maître-mot. 

Aussi, l’ennui est là, au point que de plus en plus de gens préfèrent le clash, les fake news à nos débats habituels, pourvu qu’il y ait de l’ambiance et idéalement un buzz virtuel via les réseaux sociaux. 

Dire la vérité n’est plus suffisant ; la vraie bataille est de maintenir une audience intéressante et intéressée ; cela vaut pour les débats et les médias. 

L’heure est donc venue de réinventer le débat avant son effondrement, sans espoir de retour. Pourquoi est-ce important ? La qualité des débats envoie un message à la société ; elle signifie la compréhension ou non d’un monde commun. Elle nourrit la patience ou l’impatience de ceux qui attendent le changement, ici et maintenant. 

Les crises protéiformes ont épuisé la compréhension des gens qui ne veulent plus seulement entendre, mais croire que quelque chose va changer. Or, comment cela peut-il être plausible si le débat reste inchangé ?

Dans trop de domaines, le changement boite, au risque de balbutier. La diversité des points de vue est, à l’évidence, un sujet d’importance. Trop souvent, autour de la table, le dialogue s’articule autour de biais de confirmation ; c’est-à-dire que chacun cherche à valider sa thèse, en prenant des exemples probants et en posant des questions fermées et orientées qui tronquent le débat et le rétrécissent au lieu de l’élargir. Non seulement la pensée ne se déploie pas, mais l’insuffisance des modèles économiques des médias et de l’évènementiel crée une dépendance toxique vis-à-vis de sponsors qui s’achètent un droit de parler, que la parole soit intelligente et novatrice ou pas. 

Voilà la sombre coulisse des débats qui nous entourent : entre-soi et sponsoring pour finalement laisser quelques places aux vedettes du moment, selon les sujets. Et c’est ainsi, que les mêmes jouent à "tournez manège" et construisent la pensée de la Cité avec, de l’autre côté, des gens qui ne comprennent pas cette mauvaise pièce de théâtre. Pire encore, c’est de cette manière que la confiance se diffracte car nous pouvons alors observer le choc de deux mondes qui ne se comprennent pas et ne partagent pas la même réalité. Le plus grave est que l’autre monde tente trop souvent de construire le récit de l’autre monde, sans avoir la contradiction des gens concernés. 

Nous avons donc des débats intellectuels qui passent à côté du réel des gens, mais cela ne serait pas grave, car après tout, les gens qui racontent leur vision du monde sont intelligents ? Mais est-ce suffisant pour justifier d’une bonne qualité de débat ? Rien n’est moins sûr car le dialogue oscille trop facilement entre des évidences, des outrances et des éléments de langage. La largeur des angles est peu questionnée. C’est alors que de débats en débats, le fil directeur est tristement le même, au grand dam de ceux qui se montrent curieux et consacrent du temps à espérer que les termes du débat varient.

L’autre tragédie est la confusion des arènes avec les réseaux sociaux qui influencent le réel en offrant une caisse de résonance artificielle à des thèmes qui ne sont pas nécessairement fondamentaux. Mais, puisqu’il est entendu que les réseaux sociaux doivent poursuivre la conversation, il faut mettre à la Une, les sujets qui font la tendance grâce aux hashtags et aux occurrences. Et d’un seul coup, l’agora humaine est soumise à l’agora numérique. Cette inversion du raisonnable altère sans conteste la richesse de la discussion. 

Comment dans ces conditions, le débat peut-il répondre à des exigences élevées ? Comment amener les personnes en charge de la ligne éditoriale, les journalistes, les communicants et tous les professionnels dédiés au contenu à s’ouvrir à autre chose, pour nous raconter une autre histoire, plus riche, empreinte de nouvelles aspérités et allégée de certains angles morts ? Comment pousser le débat à questionner le système, voire à bousculer l’ordre établi ? Comment faire travailler mieux les imaginaires pour raconter des faits étayés par des témoignages et, en même temps, poser question à ce qui n’est pas dit, à ce qui est embelli pour analyser avec une autre granularité les succès énoncés ? Pourquoi ne pas offrir une place plus grande aux échecs ? Et si la systémie du changement était racontée avec plus d’humilité ? 

Il est temps d’expliquer aux gens l’envers du décor ; nous devons expliquer ce que transformer telle ou telle chose implique en termes d’investissements matériels et immatériels ; nous devons parler du coût humain d’une politique d’impact. Nous devons arrêter de faire comme si le changement était une décision simple et facile d’exécution. Nous avons l’ardente obligation de dire que le changement prend du temps et d’en expliquer les étapes pour que les profanes n’aient pas la tentation de penser qu’inverser la vapeur est un acte instantané. Nous devons aussi faire face à nos injonctions paradoxales. Et c’est en éclairant les gens, en faisant une pédagogie nouvelle et exigeante, en racontant la coulisse du changement que la société comprendra comment elle peut participer aux changements qu’elle appelle de ses voeux. 

Nous devons faire confiance à l’intelligence collective pour oser être plus honnêtes et transparents avec la réalité des choses. Nous devons cesser de donner de la légitimité au simplisme, en espérant abolir la complexité, pour ménager les gens. Les individus sont capables de comprendre que ce qui est simple est simple et que ce qui est complexe est complexe. 

Pour élever le débat, il faut utiliser les compétences de tous pour poser un cadre rigoureux au dialogue, tout en offrant un véritable espace de liberté pour explorer en profondeur un sujet et donner du sens à ceux qui écoutent ; et cela veut parfois dire moins de séquences, moins d’invités et peut-être moins d’argent du sponsoring, au profit d’un dialogue de meilleure qualité. Le contenu devrait prévaloir sur la dimension quantitative des choses. L’équation n’est pas toujours simple, mais nous devons faire l’effort d’essayer.  

C’est donc la volonté farouche de penser différent qui favorisera l’émergence de débats d’un nouveau genre ; et à travers cela, les parties prenantes doivent avoir la rigueur d’une ambition élevée pour la pertinence de la ligne éditoriale, la pluralité des angles, la défense de la vérité, la contextualisation de l’information, la curiosité, sans oublier l’humilité de porter une attention particulière à ce qui n’est pas évident, peu connu et qui mériterait d’être à l’agenda des discussions. 

Nous devons inventer de nouvelles agoras pour produire des débats suffisamment nourriciers pour changer concrètement la société, sans invectives, avec intelligence, imagination et détermination et sans céder un millimètre à la possibilité de faire mieux. 

Nous pouvons faire cela ensemble, mais nous devons commencer par choisir de prendre soin selon la définition d’Hannah Arendt, soit "ne pas faillir devant la revendication d’une responsabilité et de la possibilité d’une transformation dans ce monde."

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Nicole Degbo 

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