
Géopolitique
Le désordre mondial
— il y a 1 mois
Le monde a rarement été aussi fracturé sans être en état de guerre.
Nous assistons au surgissement d’un nouvel ordre mondial : sécurité planétaire en recul et multilatéralisme en lambeaux.
Un monde moins sûr
Depuis la réélection de Donald Trump, les droits universels sont en retrait. Les premiers bastions cibles ont été les droits des femmes et l’inclusion. Parmi les impacts liés à l’abandon de Roe V. Wade, la fragilisation du soin apporté aux femmes enceintes, même dans le cadre de grossesses difficiles, est une réalité.
L’éducation subit des assauts inédits avec le démantèlement du ministère de l’Éducation et le recadrage idéologique des universités de la Ivy League ; Colombia fait le dos rond pour conserver ses subventions tandis que Harvard, tout en faisant des compromis pour lutter contre le wokisme et l’antisémitisme, croise frontalement le fer avec l’administration de Trump.
Le monde est en état de sidération car la vision politique des USA impacte le pouvoir d’achat des américains et des citoyens d’un grand nombre de pays ; la pression économique des droits de douane redessine la carte du commerce international avec un déplacement implicite des usines du monde. L’Afrique et l’Asie sont très exposés car les pays les plus vulnérables se confrontent à des tariffs prohibitifs décorrélés de toute réalité économique (Lesotho 50%, Madagascar 47%, Cambodge 49%, Vietnam 49,5%,…) ; ces économies doivent trouver un nouveau modèle économique.
Le gel massif des financements dédiés à l’aide humanitaire dont la révision de 92% des projets soutenus par l’USAID met en danger la santé de millions de personnes, en particulier des enfants ; des raids contre l’immigration créent un climat de terreur au sein des populations immigrées. La fin de l’ouverture sur l’identité de genre fragilise le tissu social et menace ouvertement la santé mentale de millions d’américains.
Enfin, le retrait des engagements internationaux réduit considérablement le budget d‘organisations internationales telles que l’UNESCO ou les efforts pour lutter contre le changement climatique (Accord de Paris) poussant les autres pays membres à imaginer des solutions compensatrices pour poursuivre leurs actions.
Dans ce contexte, le leadership des acteurs principaux est la clef de la stabilité du monde.
Un leadership sans nuance
Les prédations territoriales (Groenland, Golf du Mexique, Taïwan,…) ouvrent le bal de la force brute. Ce ballet de rapports de force montre les soumissions et les résistances des dirigeants de la planète. Donald Trump a le sentiment d’être le président du monde tant il semble être le maître du jeu. La surprise vient de l’impréparation du monde aux promesses de campagne de Donald Trump.
La Chine a une longue tradition de gouvernance ; elle se tenait donc prête et a su répondre de manière méthodique, graduelle et déterminée pour dissuader l’agressivité américaine. Le Canada et le Mexique ont adopté une stratégie plus défensive ; le Mexique a annoncé des mesures de représailles aussi bien tarifaires que non tarifaires ; le Canada a riposté avec des droits de douane équivalents sur plusieurs produits américains stratégiques ; ces deux approches quoique différentes s’inscrivent dans la poursuite du dialogue et des relations commerciales.
L’Europe trop tétanisée par ce qu’elle avait à perdre, à oublier de défendre ce qu’elle pouvait gagner (droits de douane, OTAN).
Le bilan est assez glaçant ; nous assistons à l’affrontement prévisible de deux puissances assoiffées de domination et les autres pays sont sommés de choisir leur camp. L’Europe n’arrive plus à être une alternative crédible ; elle divague dans ses ambitions et les conflits d’intérêt alimentent le statu quo.
Dans ce contexte, l’Europe doit regarder le nouvel ordre géopolitique pour redevenir un acteur sérieux capable de peser de manière dissuasive dans les nouveaux rapports de force.
Nous devons reprendre courage pour arrêter de danser sur un volcan à la merci du conservatisme américain.
Nicole Degbo
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La Cabrik est une "Fabrik" de gouvernance stratégique et humaine qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.