Gestion de crise
Contagions
Édito — il y a 3 années
Une fois n’est pas coutume : et si nous prenions exemple sur la résilience africaine face aux catastrophes ? Le continent africain habitué depuis toujours à faire face à l’abominable sériel, prend la vie comme elle vient, sans exagérer inutilement le spectre du danger.
Avec le coronavirus, nous ne sommes pas dans le déni du danger, mais dans l’exagération de celui-ci. Nous montrons ici au monde entier que nous n’avons pas plus confiance en nous-mêmes que dans l’avenir.
De quoi s’agit-il exactement ? Nous parlons d’une nouvelle maladie, jusqu’ici inconnue, d’une origine pas tout à fait connue ; nous savons de manière certaine que la propagation se fait au minimum par gouttelettes et postillons de salive. Nous savons également qu’il n’y a pas encore de traitement identifié et validé par la communauté médicale internationale, mais que la létalité du virus varie selon les classes d’âge et l’état de santé des personnes touchées. Nous savons par ailleurs qu’il y a des personnes asymptomatiques, c’est-à-dire touchées par la maladie, mais ne trahissant celle-ci par aucun symptôme. Nous savons aussi qu’à quelques rares exceptions, les enfants semblent passer au travers ; au contraire, les personnes âgées et les personnes souffrant de pathologies pulmonaires sont en première ligne du danger. Nous savons également que seuls près de 100 000 personnes sur une population de 7,7 milliards d’habitants dans le monde sont touchées ; parmi ces malades, la majorité guérit puisque nous comptabilisons près de 3 200 morts dans le monde entier dont la majorité en Chine, suivie de la Corée du Sud, de l’Italie, de l’Iran et du Japon.
La semaine dernière, un pharmacien sans masque pour se protéger rappelait ainsi que les victimes de la grippe sont plus importantes, alors même qu’il y a un vaccin ; alors, ce COVID-19 et ses victimes alors même que nous n’avons pas encore de remède, avait-il tendance à relativiser.
Enfin, nous savons aussi que près de 5 millions de personnes meurent chaque mois dans le monde pour des causes diverses et dans la plus grande indifférence, sinon la douleur des personnes en deuil.
À l’échelle mondiale, le nombre de victimes est infinitésimal, même si nous préférerions qu’il n’y ait pas de victimes. Alors, quand ce maudit virus menace de plonger le monde dans une récession virale, il est légitime de nous interroger sur la folie qui nous saisit.
D’abord, les consignes de sécurité sanitaire ; à les lire, à l’exception des mouchoirs à usage unique, il est utile de questionner nos normes quotidiennes de propreté : se laver les mains régulièrement, ne pas tousser ou éternuer sur les autres, protéger notre entourage de la maladie et se laver. Ce sont des directives qui relèvent du bon sens commun, en dehors de tout épisode d’infectiologie.
Mais pardon, la panique mondiale fait encore plus peur que le virus lui-même. Elle dit que la peur est désormais à fleur de peau et que la confiance est manquante.
Les marchés financiers très pragmatiques et averses au risque ont commencé à surréagir avant que la presse nous surinforme. La bourse a commencé à dévisser de manière presqu’irrationnelle, faisant perdre 6 000 milliards de valeur au marché à la fin février, par anticipation d’une crise mondiale précipitée par la panique mentale du monde entier. La bourse spécule déjà sur la puissance létale de la peur de nos peurs : mourir.
Ainsi, au nom de ce virus dont le nombre de victimes est epsilonesque à l’échelle mondiale, la mondialisation se grippe ; un choc se prépare entre l’offre et la demande dans les secteurs les plus exposés (voyage, transport, hôtellerie, restaurant, évènementiel, export, pétrole, etc.) faisant un grand nombre de victimes collatérales. Les entreprises gagnent en vulnérabilité financière et certaines pourraient ne jamais se remettre du fracas de ce virus ; le monde se prépare à un krach boursier, les pays tremblent et le spectre de l’inflation et d’une hausse des taux est un autre sujet de frayeur pour les pays et les entreprises trop endettées - dont la France -. En attendant, en France, le chômage partiel se met en place, nous découvrons un peu mieux la notion de droit de retrait et de droit d’alerte. Nous observons le sentiment d’impuissance des entreprises qui tentent dans un même temps de gérer l’horizon d’une crise économique, la réalité de plus en plus pregnante d’une tension de trésorerie et l’angoisse exponentielle des salariés.
En France, nous sommes en état d’urgence économique avec un volet de solutions protéiformes pour accompagner les entreprises dans ce douloureux moment d’incertitude. Sur le plan assurantiel, à l’exception du Crédit Agricole qui s’est exprimé récemment, tout le monde serre les rangs pour ne pas mettre le doigt dans un engrenage dont personne ne connaît la fin, et ce en dépit des nouvelles raisons d’être qui auraient dû infléchir le statu quo sectoriel et pousser à la mise en place d'une troisième voie.
Nous sommes dans une situation de scalabilité du mal, de la peur et de l’angoisse ; et la technologie n’y est pour rien. Au contraire, dans certains cas, elle peut venir atténuer les effets vertigineux d’un virus encore plus incontrôlable que le virus lui-même : la peur.
Ce climat d’angoisse et de psychose est viralisé par l’information, spécialement en continu. Le décompte des victimes à plusieurs moments de la journée, n’évoquant que la tendance haussière des malades et le bilan des morts, sans jamais parler des nombreuses guérisons, entretient la peur macabre.
Dans les Echos, un dirigeant anonyme dans le secteur du luxe avoue même la supercherie du moment : "il faut donner l’impression de faire quelque chose". C’est ainsi que des experts non experts du sujet commentent à n’en plus finir le virus avec les même zones d’ombre que la majorité de la population.
Ce virus nous enseigne que nous sommes non seulement très vulnérables à l’incertitude, mais je dirais même plus, nous sommes très (trop) fragiles. Alors, interrogeons-nous : qu’aurions-nous fait au temps de la peste ? Au XIVème siècle, la peste a fait entre 75 et 200 millions de morts. Comment cet épisode dramatique aurait-il pu être géré à l’ère des réseaux sociaux et de l’information en continu ? Comment accompagner la résilience des populations mondiales, jusqu’aux tenants des marchés financiers, à raison garder ? Si nous mettons ces deux épisodes en perspective, nous pouvons voir l’indécence de notre panique au regard des moyens considérables que les systèmes de santé mondiaux peuvent mettre à la disposition du monde pour non seulement prendre soin des plus fragiles, mais aussi s’unir dans des synergies sans précédent pour trouver un remède dans des délais exceptionnels.
Il semblerait que ce virus soit un indicateur qui nous murmure que ce sont les peuples les mieux protégés qui sont en état de panique ; les autres regardent la panique du monde en se demandant quel mouche nous a piqué ?
Si mettre le monde en quarantaine engendre plus de mal que le virus lui-même, il est urgent de nous interroger sur notre seuil de tolérance à l'incertitude, à l’évidence très bas.