Innovation
Une histoire d'innovation : Va, Vis et Reviens !
Publications — il y a 5 années
Temps de lecture: 3 minutes
Partir en voyage dans la Silicon Valley, en guise de dopage intellectuel : une curieuse, mais fréquente approche de certaines entreprises qui veulent s’immerger dans le bain de l’innovation. Une culture de l’innovation par ricochet donc ; et, si un pivot managérial était plus simple ?
Enthousiasme
Et si tout partait de cette irréductible désir de changer le monde pour l’améliorer car il y a tant à faire ? Et si les entreprises partageaient cet enthousiasme de créer un impact pour changer les choses ? Oui, si elles avaient confiance dans leur capacité à bouger des pierres ?
Elles accepteraient de se reposer sur leurs collaborateurs, et spécialement ceux dont l’esprit vagabonde souvent au profit de rêves optimistes.
Elles accepteraient d’ouvrir les portes d’une rêverie sans pareille, dans un temps long.
Elles s’immergeraient dans la conscience de l’imperfection des choses et, plus globalement du monde, pour créer des ruptures ou en tous les cas se donner les moyens de les imaginer.
Innover c’est aussi baigner dans cette insatisfaction qui chasse le contentement satisfait qui bride le progrès en refusant de penser contre lui-même, persuadé d’avoir réponse à tout. Or, l’innovation se nourrit d’un esprit qui a question à tout ; l’innovation se nourrit du plaisir de penser la vie dans un temps long, de penser l’entreprise dans un temps long et d’imaginer avec une joie et une innocence empruntées à l’enfance comment faire mieux, comment faire bouger les lignes, même quand cette imagerie mentale est en-dehors des objectifs fixés par le management.
Ouverture
Mais la pensée positive ne suffira pas ; il faut encore s’ouvrir au monde. Il faut encourager la curiosité qui commence par la question des frontières. Quelles sont les frontières de l’entreprise ? Comment encouragent-elles la pensée différente ? Comment l’entrave-t-elle au contraire ?
Il est sain d’interroger le caractère aseptisé ou non de l’environnement offert aux salariés.
L’apprentissage de l’ouverture réside au moins dans l’éducation collective à la différence. Il est crucial d’analyser de quelle manière le langage de l’entreprise, verbal ou non, signe une ouverture ou un cloisonnement intellectuel.
Il est fondamental d’évaluer de quelle manière la singularité des individus est respectée, voire encouragée dans le respect des valeurs et des objectifs de l’entreprise. La personnalité est un commencement car la question du multiculturalisme est un cran supplémentaire à ne pas négliger. La société est de plus en plus métissée et nul doute que les origines diverses favorisent l’émergence de regards différents sur les choses. Et, c’est précisément la richesse de ces perceptions qui peut conduire une entreprise à créer un avantage différenciant.
Curiosité
Cette ouverture aux choses et aux gens posent les bases d’une curiosité qui doit être managée.
Oui, la curiosité se pilote. À l’heure de la culture diffuse d’un nouvel état d’esprit de transformation, il devient stratégique pour une entreprise d’organiser l’éveil de sa Recherche & Développement ainsi que de sa veille sectorielle et métier. Le management doit offrir des espaces propices à l’exploration mentale et opérationnelle. L’esprit peut s’échapper, mais il doit côtoyer le réel à travers des lectures, des rencontres, des conférences. L’entreprise doit inlassablement cultiver son contact avec le monde pour anticiper les mutations qui peuvent l’affaiblir.
Une bonne gouvernance de l’innovation consiste donc à structurer une approche d’expérimentation active fondée sur l’organisation de safari mental, de désobéissance intellectuelle, de tout acte de rébellion qui offre des perspectives suffisamment riches pour prendre conscience des angles morts de l’entreprise, d’un marché et créer ainsi un espace stratégique neuf.
Lâcher-prise
L’histoire de l’innovation est aussi une histoire de contrôle et plus précisément de non-contrôle ; cela ne veut pas dire manquer de rigueur et encore moins de sérieux ; cela signifie tout simplement qu’il faut accepter de perdre, c’est-à-dire de ne rien gagner en sachant que l’expérience de l’aventure est déjà un apprentissage. C’est se dire que parfois perdre est une chance. Curieux ? En fait, à bien y réfléchir non. Parfois, perdre permet d’éviter un raccourci, une victoire facile, mais médiocre.
La difficulté peut galvaniser l’esprit pour l’obliger à offrir son meilleur. Se plonger dans cette inclination mentale oblige à accepter l’idée qu’il y a des choses qui sont hors de contrôle ; frustrant, mais l’accepter, c’est en réalité gagner du temps ; c’est en tous les cas ne pas en perdre dans des batailles stériles au lieu de se concentrer sur ce qui peut relever d’une action.
Le chemin de l’innovation est donc un long chemin qui ne cesse de se questionner à travers des allers-retours réflexifs. Le défi du management devient de donner du temps, d’offrir ce luxe à ceux qui peuvent faire la différence en entreprise.
Sérendipité
Cette liberté de vagabonder mentalement dans le respect de contraintes raisonnables peut être un succès inattendu. Réfléchir sans savoir ce que l’on cherche, c’est peut-être trouver ce que l’on cherche, sans savoir ce que l’on cherche ? C’est parfois combler un besoin manquant, mais ignoré. C’est une idée qui fait tilt parce que l’esprit est libre ; il respire et, dans sa joie, il est productif. Il se nourrit des bruits et se gonfle de sa curiosité. Alors, fort de cette puissance, il crée de l’audace sans mauvaise pression.
Il est intéressant de penser cela pour interroger les injonctions paradoxales de certains discours relatifs à l’innovation. Certains acteurs traditionnels comprennent l’urgence à réinventer un business model mais, enfermés dans le temps court et la règle impérieuse de rentabilité, ordonnent aux équipes d’exécuter une innovation performante. Un tel ordre annihile par nature le désir de prendre tout risque inconsidéré. Comment explorer convenablement avec un pistolet sur la tempe ?
Les entreprises qui veulent sincèrement innover doivent apprendre le droit à l’errance. Elles doivent accepter de questionner tout ; elles doivent intégrer que même les meilleures idées méritent d’être questionnées. Elles doivent montrer l’exemple en cassant des décisions dont la pertinence est remise en cause à l’épreuve du réel ; ce fameux "reality check". Mais attention, il faut avoir du flair car innover, c’est souvent avoir tort dans l’instant présent, précisément parce que c’est une avancée anticipatrice.
Les entreprises doivent donc apprendre à avoir raison avant tout le monde, sans se plier au mainstream ; sacré défi car la vraie bonne innovation risque de ne pas être tendance au moment de son éclosion.
Collaborer
Le travail collectif peut donc jouer le rôle de garde-fou. Inutile de préciser qu’il est bien question de travail d’équipe, à l’exclusion de la pensée de groupe. Il s’agit bien de confrontations abrasives, exigeantes, intelligentes, iconoclastes pour éprouver la viabilité d’une idée ou encore l’améliorer.
Il s’agit d’organiser le partage de l’information d’abord, puis des compétences, et enfin de l’enthousiasme. Pas facile de développer une réelle culture du partage qui doit alors s’abstraire des petits intérêts individuels, des petites ambitions personnelles, des petits ego ravageurs qui détruisent de la valeur au lieu d’en créer.
Organiser cette intelligence collective-là, demande du courage. Mais, c’est comprendre que le sacre de l’innovation naît de la liberté des esprits, de la parole, des idées, des expériences, des succès et même des échecs. Collaborer, c’est aussi choisir pour avancer, créer, inventer à l’aune du réel.
Exécuter
Cet art de manager les uns et les autres, les audaces, les libertés et les singularités doit être au service de l’entreprise, de son intérêt collectif qui doit être l’intérêt supérieur dès lors qu’il ne sacrifie pas la centralité des individus.
Ainsi, la culture de l’innovation doit se tourner vers un objectif : celui de résoudre un problème. Il ne s’agit pas de participer au festival des faux-semblants pour briller sur la toile, à l’occasion de tables-rondes ou d’interviews léchées. Non, la culture de l’innovation ne doit pas servir une parade narcissique, elle doit être portée vers le faire.
Après l’errance, vient l’exécution, en dépit des questions qui doivent inlassablement bousculer les certitudes pour être au zénith de l’excellence singulière.
Chaque entreprise gagnerait à inventer son propre concept du "Va, Vis et Reviens" pour s’immerger dans une innovation bien réelle et qui swingue !