Travail
Reconquérir le travail
Publications — il y a 11 mois
Plutôt que d'imposer un retour au bureau par la force, une réflexion managériale sur la qualité de vie au travail est à mener.
Le travail, en crise, désespère de voir émerger des solutions à ses multiples maux. En France, le stress est à 40 %, selon Gallup ; les bas salaires et la faible mobilité sociale font douter du concept même de méritocratie ; le télétravail a diffracté ce qui restait de collectif et le lieu de travail se dépersonnalise avec la mode du flex office.
Plutôt que d'imposer un retour au bureau par la force, une réflexion managériale sur la qualité de vie au travail est à mener. Confiance, qualité des relations, qualité de la délégation… sont des sujets dont il convient de débattre pour reconquérir l'espace motivationnel d'équipes en panne de sens et de passion, alors même que les entreprises sont confrontées à des défis palpitants sur les plans économique, social et climatique.
Equilibre et flexibilité
La reconquête du travail passe par la reconnaissance des réalités concrètes de chacun en dehors de l'entreprise. L'entreprise soucieuse d'avoir une gouvernance humaine moderne va devoir s'organiser pour aménager les agendas, faciliter les solutions de gardes d'enfants et soulager les salariés aidants. La flexibilité est un autre levier qui n'est, bien entendu, pas réductible au télétravail et à la semaine de quatre jours.L'énoncé de règles formelles et claires pour tous peut ainsi juguler la charge mentale de collaborateurs qui sacrifient leurs ambitions pour tenter de conserver un équilibre précaire. De quoi favoriser l'égalité des chances - notamment celle de personnes issues de la diversité, des femmes et de personnes en situation de monoparentalité - ainsi que la mobilité professionnelle. Tout en ayant un impact positif sur la productivité, le taux de rotation du personnel (turnover) et l'absentéisme.
Apprendre à désapprendre
Le défi du travail est de réengager des collaborateurs épuisés. Pour cela, les entreprises vont devoir apprendre à désapprendre leurs dogmes pour appréhender de nouveaux paradigmes.
Les paramètres sociaux, environnementaux et de gouvernance ainsi que la révolution technologique vont, idéalement, impliquer des choix audacieux de la part de dirigeants soucieux de ne pas subir les changements inévitables du monde. Autant de sujets susceptibles de redéfinir le contrat social qui lie les entreprises à leurs salariés, car des questions d'égalité, de mobilité, de développement des compétences et de méritocratie vont s'inscrire dans le cadre de discussions interactives et ouvertes.
L'entreprise a besoin de communiquer avec transparence sur ses standards d'excellence et ses règles du jeu, afin que chaque collaborateur puisse piloter ses ambitions, sans avoir le sentiment que le jeu est truqué. Les équipes ne sont pas contre la pression si, positive, elle stimule les intelligences et crée de la fierté pour l'ensemble des corps sociaux. À l'heure où le débat sur l'ascenseur social fait rage, les entreprises doivent réparer la pompe de la satisfaction des besoins définis par Maslow, en ayant une réflexion sur les contrats de précarité qu'elles proposent au marché, de même qu'une analyse honnête - à travers les besoins d'appartenance, d'estime et d'accomplissement - des moyens de se réaliser qu'elles offrent à tous. La révolution du modèle social est un préalable inévitable à l'étape de transformation de leur modèle industriel et/ou économique.
Nicole Degbo
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Article paru dans Les Échos, à lire ici.