Gouvernance
L'intempérance de l'hubris
Publications — il y a 5 années
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L'hubris est un handicap certain à l'exercice du pouvoir, en dépit du talent ou du génie.
Les hommes de pouvoir ont un ego certain. Et, il en faut pour réussir, nourrir une ambition au long cours, braver les obstacles, résister face aux tempêtes et réaliser ses objectifs.
Oui, diriger est un exercice de haute voltige qui exige un certain nombre de qualités dont cette imparable assurance qui se nourrit des expériences, des succès, des échecs et selon les circonstances des remarques, opinions ou critiques des uns et des autres.
En dépit de toute la littérature sur l’humilité, un grand nombre de dirigeants, sûrs de leur fait, dressent une barrière invisible qui isole de plus en plus et de mieux en mieux du reste du monde. Se pose alors la question du courage des autres, de l’entourage direct ou indirect. Quoi dire, quoi taire ? L’enjeu est le prix du pouvoir du dirigeant.
Le défi est d’oser faire fi de toutes les représailles imaginaires pour éventrer la réalité, une vérité, qui pose en creux la validité d’une trajectoire ou d’une posture. Elle interroge un sentiment d’invulnérabilité qui habite certains dirigeants et qui muselle consciemment ou inconsciemment toute parole éclairée et argumentée, faisant alors l’économie d’un dialogue authentique, sinon transparent et indéniablement contradictoire.
Cette impossibilité de remettre en cause, cette absence de courage collectif qui confine à une pensée de groupe s’agissant du consensus silencieux, affaiblit la puissance de tout dirigeant : politique ou d’entreprise. Elle est une faille narcissique béante que le collectif doit gérer, mais elle est aussi et surtout une vulnérabilité subie avec laquelle le corps social doit composer. Cette cécité nourrie par la fierté d’être soi, assurée de son intelligence, voire de son génie, écrase et capte la lumière tout en créant un angle mort de gouvernance.
Cette identité rêvée voire sublimée provoque une déroute du collectif ; cette réalité fausse entraîne un biais de perception qui entraîne de fait un biais de décision. C’est comme jouer aux cartes, conforté par son jeu, sans imaginer une seconde que la partie est truquée. Les hypothèses, les orientations stratégiques, les choix tactiques ; bref, tout est diminué par le poids de l’ombre, tandis que chacun, autour de la table, porte un masque.
Il faut alors être dans un déni réel pour ne pas identifier le péril certain qui guette le commun. Une entreprise est un corps social composé d’individus ayant des rôles et des pouvoirs différents. C’est un fait, mais au sein d’une équipe, au milieu des pairs ou des premiers référents, comment parler de confiance si la parole est par nature étouffée ? Comment parler de confiance si oser dire fait peser un risque de mort sur les épaules du dissident ?
Et cette non verbalisation entretient la confiance du dirigeant qui, en l’absence de contradiction, jouit de sa toute puissance et devient de plus en plus solitaire.
Ce cercle vicieux orchestre alors d’autres comportements : phénomène de cour, jeux politiques, une responsabilité en mode ceinture et bretelles et donc une dynamique du faire emprunte de pusillanisme, jusqu’au jour où le crash se produit ; un crash qui devient alors accusatoire : mais pourquoi n’avoir rien dit ? Alors oui, pourquoi n’avoir rien dit ? Pourquoi avoir conservé le silence au nom d’un pouvoir dépourvu de pouvoir, le sien ? Pourquoi avoir donné corps et vie à ce cirque, à cette comédie humaine qui est bien réelle et qui percute des femmes et des hommes sans état d’âme ? Pourquoi accepter le jeu du pouvoir au prix de cette gouvernance désincarnée, sans âme, et faible de son hubris ? Oui, pourquoi ?