Diriger
Le pouvoir est un je
Publications — il y a 1 année
"Le seul homme qui ne se trompe jamais est celui qui ne fait rien." Franklin Delano Roosevelt
Le pouvoir fascine, mais il implique des responsabilités avec lesquelles certains dirigeants ne sont pas toujours à l’aise. Le recrutement de dirigeants focalise sur le profil académique, le prestige des entreprises, la stabilité et la linéarité de l’expérience. Il est rare de faire un focus sur les aptitudes décisionnelles ; en l’absence d’inventaire de personnalité ou de mise en situation de type assessment center, l’évaluation est déclarative et clairement les dirigeants ont les codes. Aucun n’affirme et n’assume d’être rétif à la décision. En effet, le pouvoir est un objet de désir qui, théoriquement, ne peut se tenir à distance des décisions.
À l’épreuve du terrain et en dépit des intentions, la décision est un combat qui se heurte régulièrement à une dissidence consciente ou inconsciente de la responsabilité. Nous nous laissons souvent abuser par l’illusion d’un pouvoir effectif : un titre, un diplôme, un réseau et le raccourci naturel de penser que la décision est le corollaire évident de ces attributs, à peine d’être une puissance comique.
Pourtant, fréquemment nous pouvons observer que le sens de la décision souffre d’une anesthésie quasi générale.
Certains ont une représentation d’eux-mêmes erronée qui provoque une surestimation de leurs compétences à agir avec justesse ; dans ce cas, les dirigeants sont obnubilés par leur situation et cherchent à protéger leur position, en se préservant de l’échec ; d’autres sont incompétents consciemment ou inconsciemment et/ou manquent de curiosité. Ces profils jouent avec le temps pour reculer la décision ; ils temporisent ou déléguent la décision à d’autres quand ils ne s’en remettent pas à l’accord formel de leur responsable hiérarchique.
Nous pouvons également parler de certains angles morts qui renforcent la stase décisionnelle des dirigeants tels que la capacité à challenger le statu quo, l'absence de feedback ascendant ou encore le manque de lucidité quant à la criticité d’une action qui transforme le dirigeant apathique en fusible.
Nous pouvons parler de la tolérance du système car un grand nombre de dirigeants souffrent de cette affliction qui fait alors du pouvoir un luxe vidé de sa substance.
Cette danse avec le temps a parfois une explication psychologique ; près de 50% des dirigeants ont un profil psychologique qui entrave la performance des dirigeants, et notamment celle relative à la décision empreinte de bon sens.
Ces dirigeants habillent le pouvoir avec le costume de la dolce vita, en organisant le repli quasi systématique de la décision. Ils affrontent la fonction le courage en miettes, en s’opposant de manière volontaire ou incontrôlable.
Il y a plusieurs styles qui s’affrontent : les uns vont sonder le moindre détail, encore et encore, comme un jour sans fin ; les autres vont voir le danger à chaque page, séquence ou étape décisive ; d’autres encore vont changer d’avis aussi souvent que le vent ; il y a aussi ceux qui produisent précisément du vent avec des promesses liquides qu’ils ne trouvent pas la force d’incarner, sans parler de ceux qui s’enferment dans des scénarios d’anticipation négative pour prévoir inéluctablement le pire ou encore ceux qui résistent tout bonnement au changement.
Il y a, à l’évidence, quelque chose à reconquérir pour tourner le dos à la tragi-comédie qui fait du pouvoir une ligne de fiction pour accueillir avec plus de sérénité l’idée que "le pouvoir est un je".
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La Cabrik est une fabrik de gouvernance stratégique et humaine qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.