Travail
IA : Une guerre d’utilité (à venir)
Publications — il y a 1 année
❛La plupart des gens croient savoir pour quoi ils sont doués. En général, ils se trompent. Et pourtant, on ne peut réussir qu’à partir de ses points forts.❜ Peter Drucker
En 2019, une étude sur le sens au travail réalisée par Kantar TNS pour Randstad révèlait que 18% des Français avaient le sentiment d’occuper un « bullshit job », soit un français sur 5 ne percevait ni le sens, ni l’utilité de son travail. Depuis la crise sanitaire, une chape de plomb a sauté et le travail est dans tous ses états ; ainsi, en octobre 2021, neuf salariés sur dix déclaraient s’ennuyer au travail selon un sondage Opinion Way. Mais alors, quelles sont les solutions pour stopper cette érosion structurelle du plaisir au travail ? Le travail n’est pas obligé d’être réductible à son sens étymologique, c’est-à-dire « tripallium », soit un instrument de torture composé de trois pieux. Mieux encore, peut-on sortir de cette idée que le travail serait une source de tourments, sans tomber dans l’extrême inverse ?
Il y a au moins trois leviers réalistes pour aider toute personne qui le souhaite à ne pas subir, mais à choisir son travail pour espérer en réduire au maximum les externalités négatives.
Comprendre l’injonction d’utilité
La première chose est de se protéger méthodiquement contre l’inutilité. Cette idée peut en faire sourire quelques-uns, mais l’employabilité dont l’enjeu sous-jacent est l’utilité est un des défis majeurs du XXIè siècle, au regard des mutations de la société.
Les progrès gigantesques des nouvelles technologies au moyen de l’intelligence artificielle, notamment de la technique de deep learning, est une promesse de devoir cohabiter au gré du temps, et dans un temps accéléré, avec des robots de plus en plus puissants et avec des automatismes proches du fonctionnement humain. Ce n’est pas la première révolution technologique, mais c’est sans doute celle qui profitera le plus des recherches sur le fonctionnement du cerveau. Et c’est précisément cette maturité de la science combinée à la compréhension des data qui représentent une menace certaine pour le travail humain. Pendant un temps certain, les robots vont cohabiter dans une forme d’équilibre avec les humains, mais tôt ou tard, il y aura un point de bascule qui bouleversera les équilibres et posera violemment la question de l’utilité du travail de millions de personnes. C’est la fracture de l’utilité dont parle l’historien et écrivain israélien Yuval Noah Harari dans son livre « 21 leçons pour le XXIè siècle ».
Cette perspective crépusculaire oblige donc chacun, aussi tôt que possible, non seulement à s’informer pour comprendre l’avenir des sociétés humaines et l’impact que cela pourrait avoir sur les métiers, mais également à questionner sa vocation pour faire des choix adaptés, intelligents et viables.
Il s’agit donc de régulièrement stimuler sa réflexion en s’appuyant sur des informations vérifiées et des sources fiables ; mais l’enjeu pour tous - certes dans une moindre mesure pour certains -, est de réaliser sa propre révolution ontologique pour gagner en agilité et être constamment en capacité de se réinventer pour maîtriser un peu le cours des choses, et en particulier son existence au travail.
Il faut manier avec créativité ses savoirs et son imaginaire pour oser aller de l’avant et être le gardien permanent d’un état d’esprit positif et à l’offensif pour ne pas se laisser terrasser par la guerre des intelligences.
Avoir le bon d’état d’esprit
« Deviens ce que tu es » de Nietzsche est un pouvoir qui dépend de l’état d’esprit. Ce n’est pas une injonction romantique et naïve ; nous pouvons y voir un écho inspirationnel au rêve américain qui dit au monde que chacun peut devenir ce qu’il veut, de manière déraisonnable et en même temps réaliste.
Pour réussir, encore faut-il éliminer de sa psyché la grammaire du découragement. Cela ne veut pas dire que trébucher est proscrit, mais qu’il n’est pas conseillé de rester trop longtemps dans un état d’abattement. Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, dans « La fin du courage » donne trois conseils avisés : cesser de chuter ; retrouver la vitalité ; chercher la force où elle se trouve. Elle dit aussi ceci : « la fin du courage, c’est la confrontation avec le sens de la vie qui nous échappe, ou encore cette impossible maîtrise du temps. Mais aussi, par-delà la rencontre avec la finitude, l’éventuelle aptitude au temps long. » Tout les ingrédients essentiels sont là : sens ; temps ; courage ; aptitude ; maîtrise. Articuler ces éléments pour trouver un sens à sa vie et raconter une bonne histoire, son histoire, exige de faire un travail de fond pour se connaître avec justesse et mettre en perspective le champ des possibles en cohérence avec les rêves, les ambitions et le potentiel.
Ce n’est pas toujours simple et cela n’est pas qu’une affaire de diplômes ; les success stories dans le monde nous enseignent que cela tient aussi beaucoup à la force mentale qui est un adjuvant de l’état d’esprit.
Dans son livre « Mindset », Carole Dweck, chercheur américain, met en évidence que le diplôme fait une différence, mais l’état d’esprit plus encore. Elle explique comment la vision de soi et la confiance en soi influencent le point de vue sur soi-même, en dépit du niveau d’études, des origines sociales et de l’environnement socio-culturel. Le véritable enjeu réside dans la volonté de grandir et de tenir bon, de croire en l’effort et au travail et d’estimer correctement ses capacités. Ces dispositions mentales sont du kérosène pour réaliser l’impossible, surmonter les difficultés et faire montre de résilience dans les moments difficiles, sinon douloureux.
Ainsi, d’aucuns disent que le monde se divisera entre les utiles vs les inutiles ou les apprenants vs les non-apprenants. Il va sans dire que ce dernier postulat est davantage porteur d’espoir que le premier car la vérité est que tout le monde peut apprendre, il suffit d’avoir les bonnes ressources pour faire ce qu’il y a à faire.
Assumer l’audace de devenir
Il est intéressant de regarder le chemin tracé par deux ouvrages du couple Obama : « L’audace d’espérer » de Barack Obama et « Devenir » de Michelle Obama. De l’un à l’autre, il y a la présidence à la Maison-Blanche ; c’est un arc d’espérance qui permet à un grand nombre de personnes de se murmurer intérieurement : « Yes, I can ».
Ces deux livres nous enseignent, avant toute chose, qu’il faut se donner la permission non seulement de rêver, mais de le faire avec ambition, détermination, discipline et courage.
Ces deux histoires refusent les assignations socio-culturelles ; elles tournent le dos au déterminisme, précisément pour contribuer à changer le monde.
Il y a également l’histoire de Steve Jobs ; dans son livre éponyme, Walter Isaacson, raconte comment le fait d’avoir été abandonné a forgé le caractère de Steve Jobs. Voilà un homme qui n’a eu de cesse de vouloir laisser une trace.
Ces trois parcours seuls parlent de curiosité, de passion, de motivation extrême et d’une capacité extraordinaire à sortir de leur zone de confort. Personne n‘est obligé de changer le monde, mais en dépit des croyances, tout le monde peut choisir un poste à sa mesure ; mais laquelle ?
Chacun doit clarifier son rapport au travail, son ambition et sa zone de risque acceptable pour identifier les opportunités disponibles de manière linéaire et non-linéaire, verticale ou horizontale.
Il s’agit par ailleurs de s’affranchir des dogmes de la société et des peurs de l’entourage qui ne cessent d’envoyer des messages de renoncement.
Ensuite, le défi est de choisir ou d’inventer l’étape suivante, celle que vous voulez, celle qui est faîtes pour vous et qui vous fera vous sentir aligné(e) avec vous-même. Et c’est possible, beaucoup le font. La vérité est qu’il y a une multitude d’histoires confidentielles qui racontent la liberté avec laquelle des gens se saisissent de leur potentiel pour bâtir leur destin avec foi, non sans peur.
C’est une décision et il ne tient qu’à vous de vous préparer à réussir, en osant aller au-devant des entreprises qui vous plaisent, affirmer votre différence, raconter votre histoire et expliquer comment votre singularité crée de la valeur. N’y voyez aucune arrogance, mais l’audace d’espérer que vous avez le droit de viser haut et plus et que vous êtes à la hauteur.
Comprendre son histoire permet de lui donner du sens et sans doute de l’aimer davantage ; et c’est un commencement pour se montrer convaincant aux moments clefs. Une partie du leadership repose sur la congruence, le reste est une histoire de préparation et de désir.
Alors que feriez-vous si vous n’aviez pas peur ? Anton Tchekhov aurait pu vous répondre : « Soyez juste, le reste viendra de surcroît ».
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La Cabrik est une fabrik de gouvernance qui accompagne les transformations pour relier l'économie à l'humain et est spécialiste des situations de crise de gouvernance.